عن النُّعْمانِ بنِ بَشيرٍ – رضي الله عنهما - قال: سمعتُ رسولَ اللهِ ﷺ يقول - وأَهْوى النُّعمانُ بإصْبَعَيْهِ إلى أُذُنَيْهِ -: «إنَّ الحَلالَ بَيِّنٌ، وإنَّ الحَرامَ بَيِّنٌ، وبَيْنَهُما مُشْتَبِهاتٌ لا يَعْلَمُهُنَّ كَثِيرٌ مِنَ النَّاسِ،  فَمَنِ اتَّقى الشُّبُهاتِ اسْتَبْرَأَ لِدِينِهِ وعِرْضِهِ، ومَن وقَعَ في الشُّبُهاتِ وقَعَ في الحَرامِ، كالرَّاعِي يَرْعى حَوْلَ الحِمى، يُوشِكُ أنْ يَرْتَعَ فِيهِ، ألا وإنَّ لِكُلِّ مَلِكٍ حِمًى، ألا وإنَّ حِمى اللهِ مَحارِمُهُ، ألا وإنَّ في الجَسَدِ مُضْغَةً، إذا صَلَحَتْ صَلَحَ الجَسَدُ كُلُّهُ، وإذا فَسَدَتْ فَسَدَ الجَسَدُ كُلُّهُ، ألا وهي القَلْبُ».

An-Nou’mane Ibn Bachir – qu’Allah a agréé – dit : J’ai entendu le Messager d’Allah dire, en montrant ses deux oreilles avec les doigts :

1- « En vérité, ce qui est licite est clair et ce qui est illicite est clair ; 

2- et entre les deux se trouvent des choses douteuses dont peu de gens savent si elles relèvent du licite ou de l'illicite. 

3- Celui qui s’éloigne des choses douteuses a certespréservé sa religion et son honneur,

 4- et celui qui y choit finira par commettre l’interdit à l’exemple d’un berger qui fait paître son troupeau autour d’un domaine réservé et qui manque d’ypénétrer

5- Chaque roi dispose de son domaine réservé et le domaine réservé d'Allah est tout ce qu'Il a interdit. 

6- Il y a dans le corps un bout de chair qui, s’il est pur, le corps entier est bon et s’il est corrompu, le corps entier est corrompu. Ce bout de chair est le cœur»

 

Ce hadith fait partie des hadiths les plus importants de la religion, et certains savants allèrent jusqu'à dirent que ce hadith représentait un tiers de l’Islam. Ils dirent, en effet, que ce hadith ainsi que celui dans lequel le Prophète ﷺ dit « Certes, les actes [d’adoration] sont accomplis avec des intentions » et celui dans lequel il dit : « L’un des signes de la bonne pratique de l’Islam de l’individu est de délaisser ce qui ne le concerne pas » forment les pivots de l’Islam. Pour sa part, Abou Dawoud dit : Les pivots de l’Islam sont quatre hadiths, le premier étant le hadith : « Ce qui est licite est clair et ce qui est illicite est clair »[1].


1- Le Prophète ﷺ affirme dans le hadith que les jugements de la religion sont clairs et explicites. Ainsi, le licite qu’Allah a déclaré permis est clair et n’est pas ambigu, de même que l’illicite qu’Allah a défendu et interdit est clair et explicite. Les deux ne peuvent être ignorés de ceux à qui l’Islam est parvenu et qui l’ont embrassé.
Parmi ce qui est clairement illicite, il y a l’associationnisme ainsi que ses causes et les moyens qui y conduisent, manger la chair d’une bête morte sans avoir été immolée et la chair de porc, consommer des substances enivrantes, être injuste avec les gens et s’approprier sans droit ce qui leur appartient, etc.


2- Entre le licite explicite et l’illicite explicite, il y a des choses qui sont douteuses pour la plupart des gens qui ne savent pas si elles sont licites ou illicites. Cela ne signifie pas que la religion ne les a pas explicitées, car Allah envoya Son Prophète ﷺ pour expliciter complètement les jugements relatifs à la religion.

Allah dit en effet :

﴾Aujourd’hui, J’ai parachevé pour vous votre religion, et accompli sur vous Mon bienfait. Et J’agrée l’Islam comme religion pour vous﴿.

[Sourate Al-Ma’ida : 3]

En revanche, les jugements de ces choses sont inconnus pour beaucoup de gens en raison de la déficience de leur science et il se peut également qu’ils ne soient pas connus de certains gens de science en raison de circonstances fortuites, mais ils restent des gens de science qui en ont des connaissances appuyées par des preuves issues du Coran, de la Sounna, du consensus et par analogie[2].


3- Celui qui évite ces choses dont le jugement est douteux et s’en abstient par dévotion a gardé intacte sa religion. Il échappe ainsi à la réprobation et à la punition, et garde son honneur intact, car il ne donne pas aux gens de motifs de le dénigrer.
La dévotion fait partie de cela, puisqu’elle consiste à s’éloigner des ambiguïtés et à délaisser ce dont on redoute qu’il soit préjudiciable dans l’au-delà. Quant à l’ascétisme, il consiste à délaisser ce qui diminue le degré de l’individu dans l’au-delà, même s’il s’agit de quelque chose de licite [3] . L’ascétisme n’est donc pas obligatoire et est un rang supérieur à la dévotion qui est obligatoire à chaque musulman.


4- Celui qui s’adonne à ce qui est ambigu, s’y habitue et ne s’en abstient pas par dévotion, sa légèreté finira par le conduire à commettre l’illicite. Il s’habituera à être laxiste et y prendra goût et finira par s’enhardir et tomber sciemment ou par ignorance dans l’illicite[4]. Cela est semblable au cas d’un berger qui fait paître ses bêtes et ses moutons aux alentours d’un domaine réservé – qui est une parcelle de terre déclarée privée par un roi et sur laquelle il a interdit aux gens sans permission d’entrer et menace de punir ceux qui violent cette interdiction – et dont les bêtes risquent de s’y introduire et d’y paître. Il y a toujours une bête qui finit par s’échapper du troupeau et qui n’est pas disciplinée. Il se peut ainsi que l’être humain soit tenté par son âme et que Satan lui embellisse de commettre l’illicite. Tout comme le berger qui fait paître ses bêtes aux alentours d’un domaine réservé mérite d’être puni quand certaines de ses bêtes s’introduisent dans ce domaine, mérite également d’être puni celui qui s’adonne souvent à ce qui est douteux, s’approche de l’illicite et finit par y succomber[5].


5- Tout comme ce roi qui a un domaine réservé dans lequel il interdit aux gens d’entrer et menace de punir celui qui désobéit à cette injonction, Allah, Lui, à qui appartient l’exemple suprême, a pour domaine réservé dans lequel Il interdit à Ses créatures d’entrer, Ses interdits, c’est-à-dire la mécréance

et les actes de désobéissance. Celui qui s’y introduit en commettant un acte de désobéissance mérite d’être puni et celui qui s’en approche risque de s’y introduire. Quant à celui qui prend ses précautions et ne s’en approche pas, il ne fait rien de ce qui le rapproche des actes de désobéissance et délaisse ainsi ce qui est douteux[6].


6- Ensuite le Prophète ﷺ nous informe qu’il y a dans le corps un bout de chair aussi petit qu’une bouchée et qui est le cœur. Ce cœur physique est lié au cœur spirituel qui est le siège de la foi et qui est soit bon soit mauvais.


7- Si le cœur est bon et droit, l’état de l’être humain et de son corps est bon et si le cœur est mauvais, alors l’état de l’être humain et de son corps est mauvais. En effet, le cœur est le roi et les membres sont ses soldats. Si le roi est bon, ses soldats le sont aussi et si le roi est mauvais, ses soldats le sont également[7].
Le cœur vertueux est celui qui est plein d’amour pour Allah, est convaincu de Son unicité et est exempt de tout ce qu’Allah déteste. Il aime ainsi ce qu’Allah agrée et rejette et déteste ce qu’Allah déteste et rejette, à la différence du cœur corrompu qui lui est l’opposé de cela[8].
Par ailleurs, Allah fit du cœur le siège de la foi et de la mécréance.

Il dit en effet :

﴾Mais Allah vous a fait aimer la foi et l’a embellie dans vos cœurs et vous a fait détester la mécréance, la perversité et la désobéissance. ﴿

[Sourate Al-Houjourate : 7]

Il dit également :

﴾Et n’obéis pas à celui dont Nous avons rendu le cœur inattentif à Notre Rappel﴿ 

[Sourate Al-Kahf : 28] 

1. (1) Allah a explicité à Ses serviteurs tous les jugements religieux. Le serviteur doit donc apprendre ces jugements auprès des gens de science et demander des avis religieux pour ce qu’il ignore. Il n’a pas d’excuse lorsqu’il commet des actes illicites sans avoir questionné les gens de science et leur avoir demandé conseil.


2. (1) Allah paracheva Son bienfait sur Ses serviteurs en complétant leur religion et en leur explicitant ce qui est licite et ce qui est illicite. Qu’un entêté ne vienne pas prétendre que les jugements religieux ne suffisent pas à compléter la religion.


3. (1) Les savants et les prédicateurs doivent expliciter ce qui est licite et ce qui est illicite en enseignant aux gens les jugements de la Législation et en leur émettant des jugements religieux qui répondent aux nouvelles situations qu’ils rencontrent.


4. (2) On trouve dans ce hadith la reconnaissance du mérite des savants, puisque ce sont les seuls qui enseignent aux autres comment se comporter à l’égard des choses douteuses. Que celui qui désire donc rejoindre cette catégorie de gens, s’efforce d’étudier la science et de l’acquérir avec sérieux.


5. (2) Le fait que ces choses soient douteuses est la raison pour laquelle les gens ignorent leurs jugements et les preuves qui appuient ces jugements. En effet, certaines preuves sont très connues des gens tandis que certaines autres sont indiscernables, excepté pour une catégorie très restreinte de gens de science. Que personne ne croit donc qu’il y ait une insuffisance dans la transmission de la religion d’Allah aux gens.


6. (2) Il est obligatoire au musulman, lorsqu’il fait face à quelque chose dont il ignore le jugement, de s’empresser de questionner les gens de science, car ce sont eux qui connaissent les jugements religieux et leurs preuves dans le détail.


7. (3) Le musulman doit s’éloigner des ambiguïtés afin de préserver sa religion et son honneur.


8. (3) Le musulman doit préserver son honneur des ragots des gens, même si celui-ci est pieux et qu’il n’a rien à se reprocher.


9. (3) Lorsqu’on s’éloigne des ambiguïtés

 on se conforme aux paroles du Prophète ﷺ: 

« Délaisse ce qui te paraît suspect pour ce qui ne te paraît pas suspect »[9].

10. (4) Celui qui ne craint pas Allah et s’enhardit à s’adonner à des ambiguïtés finit par tomber dans les choses illicites et son laxisme concernant les ambiguïtés le conduit à commettre l’illicite. Quelqu’un dit à ce sujet : Le petit péché amène le péché capital et le péché capital amène la mécréance. On rapporte aussi qu’un savant a dit : Les actes de désobéissance sont les messagers de la mécréance[10]. Il convient donc de s’abstenir de s’approcher des ambiguïtés pour ne pas être happé par les transgressions et les péchés majeurs.


11. (4) S’accoutumer aux choses licites et y consacrer tout son temps, conduit petit à petit l’être humain à tomber dans l’illicite. Le serviteur doit donc se préoccuper de son adoration et s’efforcer d’accomplir beaucoup d’adorations surérogatoires et ne pas se laisser aller aux distractions licites.


12. (4) Satan n’insuffle pas au serviteur de commettre des péchés majeurs ou de devenir mécréant en une seule fois, mais lui embellit plutôt cela petit à petit. Il l’incite ainsi à être inattentif aux affaires de la religion en l’occupant avec des distractions licites, puis il le fait passer aux ambiguïtés et aux choses détestables et lorsque le serviteur s’y accoutume, il ne lui est plus difficile de transgresser les limites et les interdits d’Allah. Il convient donc de prendre garde aux insufflations et aux ruses de Satan et les reconnaître dès le début.


13. (4) (5) Le Prophète ﷺ utilisa des représentations et des comparaisons qui explicitent les concepts, les délimitent et les rendent plus accessibles. En effet, il compara celui qui a des ambiguïtés à un berger faisant paître ses bêtes autour d’un domaine réservé et énonça comme parabole pour représenter la punition de celui qui commet des choses illicites la punition de celui qui viole le domaine réservé d’un roi de ce bas monde. Le prédicateur et l’éducateur doivent donc rendre les concepts accessibles aux esprits en utilisant des paraboles et en ayant recours à des figures de style.


14. (6) Se préoccuper de rectifier son cœur et examiner les maladies dont il souffre et leurs remèdes est la tâche la plus importante à laquelle se consacrent les adorateurs. En effet, le cœur est pour les membres tel un roi qui dispose de ses soldats. Ceux-ci se mettent en marche sous ses ordres, tiennent de lui la droiture ou la déviance et le suivent dans ce qu’il veut accomplir. Il est donc leur roi et eux sont les exécutants de ce qu’il leur ordonne[11].


15. (6) Ne crois pas que tu es intérieurement bon alors que tu es mauvais en apparence. En effet, un hadith démontre qu’être intérieurement vertueux implique de l’être extérieurement aussi. Ainsi, lorsque le cœur est vertueux, les membres doivent œuvrer en conséquence et donc, n’a pas un cœur vertueux, celui dont les œuvres sont mauvaises, laisse libre cours à ses membres dans l’illicite et transgresse les limites d’Allah.

Références

  1. Voir le commentaire du Sahih de Moslim par An-Nawawi (11/27).
  2. Voir le commentaire de Al-Arba’oune an-Nawawiyya d’Ibn Daqiq Al-‘Id (p.44) et le commentaire du Sahih de Moslim par An-Nawawi (4/190).
  3. Voir ces lignes formulées autrement dans Al-Fawa’id d’Ibn Al-Qayyim (p.181).
  4. Voir le commentaire du Sahih de Moslim par An-Nawawi (4/190).
  5. Voir Jami’ Al-’Ouloum wa Al-Hikam d’Ibn Rajab (1/194) et Irchad As-Sari d’Al-Qastalani (4/7).
  6. Voir le commentaire du Sahih de Moslim par An-Nawawi (4/190).
  7. Voir Mifta Dar As-Sa’âdah d’Ibn Al-Qayyim (1/193).
  8. Voir Fath Al-Bari Charh Sahih Al-Boukhari d’Ibn Rajab Al-Hanbali (1/229).
  9. At-Tirmidhi (2518) et An-Nassa’i (5711) d’après Al-Hassane Ibn ‘Ali – qu’Allah a agréés. Ce hadith a été déclaré authentique par Al-Albani dans Irwa Al-Ghalil (1/44).
  10. Voir le commentaire de Al-Arba’oune an-Nawawiyya d’Ibn Daqiq Al-‘Id (p.47).
  11. Voir Ighathate Al-Lahfane Mine Massayid Ach-Chaytane d’Ibn Al-Qayyim (1/5).


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