1. Le Prophète ﷺ affirme que celui qui accomplit une prière sans y avoir récité la sourate Al-Fatiha, sa prière est incomplète et n’est pas achevée.Elle est incomplète à un point tel que sa validité est remise en cause, en raison des paroles du Prophète ﷺ: ’’ La prière de celui qui ne récite pas la sourate Al-Fatiha est nulle ’’[1].Par ailleurs, la sourate Al-Fatiha est surnommée la Mère du Coran (Oum Al-Qour’ane), car elle en est l’origine et tous les concepts contenus dans toutes les sourates du Coran – comme l’éloge d’Allah, Son adoration, la séduction et la menace et les récits des anciens – se retrouvent en elle, tout comme La Mecque est surnommée la Mère des Cités (Oum Al-Qoura), car elle en est l’origine[2].
2. Ensuite on demande à Abou Hourayra, le narrateur de ce hadith, si le fidèle qui prie en groupe derrière un imam doit réciter cette sourate ou pas et il lui répond qu’il doit la réciter dans son for intérieur. Même si cet avis provient d’Abou Hourayra, c’est cependant comme s’il l’attribuait au Prophète ﷺ. On rapporte en effet que ‘Obada Ibn As-Samit, qu’Allah a agréé, a dit : « Nous accomplissions la prière de l’aube derrière le Messager d’Allah ﷺ et alors qu’il récitait, la récitation semblait lui être pénible. Après avoir terminé, il dit : ‘‘ Vous récitez sans doute avec votre imam ? ’’. Ils répondirent : « Oui, de manière rapide, ô Messager d’Allah ’’. Il dit alors : ‘‘ Ne le faites pas, sauf pour la sourate Al-Fatiha, car la prière de celui qui ne la récite pas est nulle ’’[3].
3. Puis Abou Hourayra justifie son affirmation : Allah nous informe dans un hadith qoudsi qu’Il adivisé la récitation entre Lui et Son serviteur en deux moitiés.La division ici est celle des concepts, c’est-à-dire qu’Allah répond à un terme par ce qui lui est égal. Ainsi, lorsque le serviteur dit : {Louange à Allah, Seigneur de l’univers}, Allah dit : ‘‘ Mon serviteur M’a loué ’’...Ce qui est probablement signifié par la division en deux moitiés, c’est aussi que la moitié de la sourate est adoration, éloge et glorification d’Allah et son autre moitié est demande et invocation, sachant qu’Allah promit d’exaucer cette invocation. L’emplacement de la division en deux moitiés est le verset : {C’est Toi [Seul] que nous adorons, et c’est Toi [Seul] dont nous implorons secours}. Ainsi, ce verset avec ce qui le précède est éloge, glorification et adoration d’Allah, alors que ce qui suit est imploration de l’aide et de la guidée d’Allah[4].Le fait que la récitation de la sourate Al-Fatiha soit qualifiée de prière, est une figure de style qui consiste à se servir d’un mot désignant une chose pour qualifier sa partie la plus importante, comme dans les paroles d’Allah :
﴾Et ne prie pas à voix haute ni à voix trop basse, mais cherche le juste milieu entre les deux﴿
[Sourate Al-Isra’ : 110].
La signification est : Ne récite pas à voix haute[5].
4. Puis le Prophète ﷺ nous informe que lorsque le serviteur dit : {Louange à Allah, Seigneur de l’univers}, Allah dit : ‘‘ Mon serviteur M’a loué ’’. Lorsqu’il dit : {Le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux}, Allah dit : ‘‘ Mon serviteur a fait Mon éloge ’’. Lorsqu’il dit : {Maître du Jour de la rétribution}, Allah dit : ‘‘ Mon serviteur M’a glorifié ‘‘.
La louange, l’éloge et la glorification sont des termes de signification proche et tous appartiennent au champ lexical de l’apologie et de la mention des attributs positifs. Toutefois, la louange n’est pas liée à un acte et c’est la raison pour laquelle Allah dit : {Louange à Allah, Seigneur de l’univers}. Nous Le louons donc parce qu’Il est le Seigneur de l’Univers. L’éloge est quant à lui la mention des attributs positifs qui méritent que l’on fasse l’éloge de celui qui les possède et c’est pourquoi Allah les mentionna dans le verset : {Le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux}. Lorsque Allah mentionna l’éloge, Il l’associa à la miséricorde et lorsqu’Il parla du Jour Dernier et qu’Il affirma qu’Il en est le Possesseur et Celui qui en dispose, Il associa à cela la glorification qui consiste à expliciter l’élévation et l’éminence[6].
5. Lorsque le serviteur dit : {C’est Toi [Seul] que nous adorons, et c’est Toi [Seul] dont nous implorons secours}, Allah dit : ‘‘ Ceci est entre moi et Mon serviteur et Mon serviteur a obtenu ce qu’il demande ’’. Ainsi, ce verset renferme l’humilité devant Allah, le besoin que l’on a de Lui, Son adoration exclusive et la sollicitation de Son aide. L’adoration est un terme qui regroupe tout ce qu’Allah aime et agrée comme paroles et actes secrets et apparents, et ceci inclut la proclamation de l’éminence d’Allah et la reconnaissance qu’Il a le pouvoir d’exaucer[7].
6. Lorsque le serviteur dit : {Guide-nous dans le droit chemin, Le chemin de ceux que Tu as comblés de faveurs, non pas de ceux qui ont encouru Ta colère, ni des égarés}, Allah dit : ‘‘ Ceci est pour Mon serviteur et mon serviteur a obtenu ce qu’il demande ’’. Cela signifie qu’Allah exauce son invocation et lui donne ce qu’il désire.Ceux qui ont encouru la colère d’Allah sont les juifs. Ils ont encouru Sa colère lorsqu’ils connurent le vrai, mais s’y opposèrent et s’en détournèrent. Les égarés sont les chrétiens, puisqu’ils se débattent dans l’ignorance et l’innovation en religion, instituées sur la base d’aucune science[8].
Comment appliquer ce hadith :
1. (1) La sourate Al-Fatiha est la Mère du Coran et son origine, et tous les concepts contenus dans les autres sourates se retrouvent en elle. L’intelligent est donc celui qui connaît les concepts qu’elle renferme, extrait les jugements qu’elle contient et identifie les raisons profondes de son statut privilégié.
2. (1) Nous pouvons déduire de cette sourate toutes les connaissances de ce bas monde et de l’au- delà. En effet, il est dit : Il y a dans cette sourate la connaissance de la louange, la connaissance de la divinité, la connaissance de la seigneurie, la connaissance de l’univers, la connaissance de la miséricorde, la connaissance de la souveraineté, la connaissance de la religion, la connaissance de l’adoration, la connaissance de l’imploration de l’aide, la connaissance de la guidée, la connaissance du droit chemin, la connaissance de la droiture, la connaissance du bienfait, la connaissance de ce qui est requis pour éviter la colère [d’Allah], ainsi que la connaissance de ce qui est requis pour éviter l’égarement[9].
3. (1) Ce hadith démontre qu’il est obligatoire de réciter la sourate Al-Fatiha dans chaque rak’a [unité de prière]. Il n’est donc pas permis au musulman de réciter autre chose qu’elle [à sa place].
4. (1) Le Prophète ﷺ répéta les paroles : ‘‘ elle est tronquée » à trois reprises, afin qu’on le comprenne bien et qu’on mémorise ses paroles et afin d’insister auprès de son auditoire sur ce jugement, sachant que la répétition est une figure de style souvent utilisée par le Prophète ﷺ. Il appartient donc au prédicateur, à l’enseignant et à l’éducateur de s’y intéresser et d’y recourir souvent.
5. (2) Les gens interrogèrent Abou Hourayra concernant le jugement relatif à la lecture par le fidèle priant derrière un imam, de la sourate Al-Fatiha, dans l’éventualité où ce cas de figure aurait un jugement distinct. C’est pourquoi Abou Hourayra ne réprouva pas leur question. Un musulman ne doit donc pas avoir honte de poser des questions concernant ce qu’il ignore, et le juriste et le prédicateur ne doivent pas s’impatienter lorsque leur auditoire leur pose des questions auxquelles il a déjà répondu explicitement ou implicitement.
6. (3) Allah qualifia la sourate Al-Fatiha de prière, car elle en est la partie la plus importante. Il convient donc que le musulman ne soit pas inattentif à cette partie, la plus importante, en la récitant précipitamment sans réflexion ni méditation.
7. (3) Alors que tu récites la sourate Al-Fatiha lors de la prière, médite le dialogue et la conversation intime entre l’être humain et son Seigneur – exalté soit-Il. Notre devoir est donc que nos cœurs soient présents lors de la prière, afin que nous nous en acquittions consciencieusement et afin que nous en tirions profit, car on ne récolte des avantages que de la prière accomplie d’un recueillement complet[10].
8. (4) Allah montre fièrement Ses serviteurs croyants et est réjoui par eux. Ainsi, lorsqu’ils disent :{Louange à Allah, Seigneur de l’univers}, Allah dit : ‘‘ Mon serviteur M’a loué ’’, avec fierté et joie. Quelle œuvre est donc plus éminente et plus susceptible d’être immensément rétribuée qu’une œuvre par laquelle Allah est réjoui ?
9. (5) Le musulman gagnerait à méditer les paroles d’Allah : {C’est Toi [Seul] que nous adorons, et c’est Toi [Seul] dont nous implorons secours}, car on dit qu’elles rassemblent les secrets de tous les livres révélés du ciel. Les créatures n’ont, en effet, été créées que pour adorer Allah, conformément aux paroles d’Allah :
﴾Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent﴿
[Sourate Adh-Dhariyatte : 56].
Par ailleurs, l’adoration est un droit d’Allah sur Ses serviteurs et les serviteurs n’ont aucun pouvoir de l’accomplir sans l’aide d’Allah. C’est pourquoi cette phrase est entre Allah et Son serviteur, car l’adoration est un droit d’Allah sur Son serviteur et l’aide est une faveur qu’Allah fait à Son serviteur[11].
10. (6) Allah ordonna à Ses serviteurs de Lui demander de les guider dans le droit chemin emprunté par les prophètes, les véridiques et les martyrs. Celui qui se tient sur ce chemin connaît le bonheur dans ce bas monde et dans l’au-delà et son parcours sur le Pont Sirat sera droit le Jour de la Résurrection. Quant à celui qui en sort, soit il encourt la colère [d’Allah], pour avoir bien identifié la voie de la guidée, mais ne pas l’avoir emprunté à l’image des juifs, soit il s’égare de la voie de la guidée, à l’image des chrétiens et autres polythéistes[12].
11. (6) Allah recommanda à Ses serviteurs de Lui demander de les guider dans le droit chemin et de les sauver de la voie des juifs et des chrétiens. Ceci impose que l’on s’abstienne de les suivre et de les imiter. Nous devons plutôt faire le contraire de ce qu’ils font dans la mesure du possibl e.
12. (6) Lorsque le fidèle termine la récitation de la sourate Al-Fatiha, Allah exauce son invocation en disant : ‘‘ Ceci est pour Mon serviteur et mon serviteur a obtenu ce qu’il demande ’’. À ce moment- là, les anges disent : ‘‘ Amine ’’ en réponse à l’invocation du fidèle et il est alors prescrit à ceux qui prient derrière de dire : ‘‘ Amine ’’ en même temps qu’eux. En effet, dire ‘‘ Amine ’’ est une des raisons pour lesquelles l’invocation est exaucée[13].
13. Un poète a dit :Tu pries sans présence du cœur et une telle prière accomplie par un enfant mériterait une punition. Malheur à toi ! Sais-tu à qui tu te confies en étant distant et face à qui tu t’inclines, en n’étant pas recueilli ?Tu Lui dis ‘‘ C’est Toi que nous adorons ’’ en étant distrait par autre chose, sans qu’une nécessité ne t’amène à cela.Or, toi-même, si quelqu’un se confiait à toi en regardant autrui, tu te consumerais d’obfuscation et de jalousie.
Références
- Al-Boukhari (756) et Moslim (394).
- Voir Ikmal Al-Mou’lim Bi Fawa’id Moslim d’Al-Qadi ‘Iyad (2/272), Al-Moufhim Li-ma Achkal Mine Talkhisse Kitab Moslim d’Abou Al-’Abbass Al-Qourtoubi (2/25) et Touhfat Al-Abrar Charh Massabih As-Sounna d’Al-Baydawi (1/286).
- Abou Dawoud (823) et At-Tirmidhi (311).
- Voir Ma’alim As-Sounane d’Al-Khattabi (1/204), Al-Massalik Fi Charh Mouwatta Malik d’Ibn Al-’Arabi (2/375).
- Voir Ma’alim As-Sounane d’Al-Khattabi (1/203), Al-Massalik Fi Charh Mouwatta Malik d’Ibn Al-’Arabi (1/239).
- Voir Al-Massalik Fi Charh Mouwatta Malik d’Ibn Al-’Arabi (2/376) et le commentaire du Sahih de Moslim par An- Nawawi (4/104).
- Voir Al-Moufhim Li-ma Achkal Min Talkhisse Kitab Moslim d’Abou Al-’Abbass Al-Qourtoubi (2/27) et Majmou’ Al-Fatawa d’Ibn Taymiyya (10/149).
- Voir l’exégèse du Coran par Ibn Kathir (1/140)
- Voir Al-Ifsah ‘Ane Ma’ani As-Sihah d’Ibn Houbayra (8/157).
- Voir le commentaire de Riyad As-Salihine d’Ibn ‘Othaymine (1/355).
- Voir Fath Al-Bari Sahih Al-Boukhari d’Ibn Hajar Al-’Asqalani (7/102, 103).
- Voir Fath Al-Bari Sahih Al-Boukhari d’Ibn Hajar Al-’Asqalani (7/102, 103).
- Voir Fath Al-Bari Sahih Al-Boukhari d’Ibn Hajar Al-’Asqalani (7/102, 103).