1. Le Prophète ﷺ fit un jour un sermon à ses Compagnons et les informa qu’Allah leur a ordonné d’accomplir le pèlerinage à Sa Maison Sacrée, conformément aux paroles d’Al ah :
﴾Et c’est un devoir envers Allah pour les gens qui ont les moyens, d’aller faire le pèlerinage de la Maison. Et quiconque ne croit pas... Allah Se passe largement des mondes﴿ .
[Sourate Al ‘Imr ne : 97]
Ils doivent donc répondre à Son ordre et s’acquitter de cette obligation.
Le pèlerinage consiste à se rendre à la Maison Sacrée d’Allah, à une période de l’année déterminée afin d’accomplir des rites précis dans l’intention de se rapprocher d’Allah [1].
2. L’un des Compagnons présents – qu’Allah a agréés – et qui est Al-Aqra’ Ibn Habisse lui demanda si le pèlerinage était obligatoire chaque année, car il ne comprit pas ce qu’implique cet ordre d’accomplir le pèlerin ge : est-ce un ordre pour un seul pèlerinage ou pour un nombre de fois répét es ?
Le Prophète ﷺ ne répondit pas à cet homme à deux reprises afin de montrer sa réprobation pour ce type de questions. Le Prophète ﷺ a, en effet, été envoyé afin d’expliquer la Législation et la compléter et on ne peut donc pas imaginer qu’il puisse taire ce dont la communauté a besoin. En effet, si le pèlerinage avait été obligatoire chaque année, il l’aurait dit. Par conséquent, ce Compagnon a en quelque sorte devancé Allah et Son Messager ﷺ et ce comportement a été défendu par Allah qui it :
﴾Ô vous qui avez ru ! Ne devancez pas Allah et Son Messager. Et craignez Allah. Allah est Audient et Omniscient﴿ .
[Sourate Al-Houjoura te : 1]
3. Puis comme le silence du Prophète ﷺ ne dissuada pas l’homme de continuer à poser sa question, le Prophète ﷺ l’informa qu’il ne s’abstint de répondre que par pitié et compassion pour les croyants. En effet, si le Prophète ﷺ avait répondu par l’affirmative, les musulmans seraient tenus d’accomplir le pèlerinage chaque année, ce qui aurait causé une gêne impraticable.
4. Ensuite le Prophète ﷺ informa ses Compagnons qu’il n’est pas permis d’être insistant en posant des questions et de ne pas chercher à en savoir plus au sujet d’un commandement qui est restreint ou de portée générale. Ainsi, lorsqu’il vous est ordonné quelque chose, exécutez littéralement cet or re : s’il vous est ordonné de faire une aumône ou d’accomplir le pèlerinage ou autre, il vous suffit d’exécuter ce que les termes de cet ordre signifient. Une aumône de moindre valeur suffit et le pèlerinage à une seule reprise suffit, car c’est ce qu’on comprend explicitement de l’ordre donné et on ne tient pas compte de ses éventuelles significations implicites qui pourraient amener à œuvrer plus que cela [2].
On déduit de cela que tout est licite par défaut et qu’un jugement ne peut être émis à propos d’une chose que s’il est appuyé par un texte religieux. Ce que la religion passe sous silence reste donc licite par défaut [3].
5. Le Prophète ﷺ justifia cela en affirmant que ce qui a causé la perdition des communautés précédentes fut les nombreuses questions posées à leurs prophètes sur des choses qui ne leur avaient pas été explicitées. Cette attitude est d’abord la preuve qu’ils n’avaient pas réellement foi aux prophètes, car il est ordonné aux prophètes – qu’Allah les couvre d’éloges et les protège – d’orienter les gens vers ce qui leur est profitable dans la vie ici-bas et dans l’au-delà et il ne leur est pas permis de se taire lorsqu’il est nécessaire qu’ils parlent. Il est donc du devoir des gens de ne pas les harceler de questions, mais plutôt de les écouter attentivement et tirer profit de ce dont ils n’ont pas parlé.
Par ailleurs, la deuxième conséquence de cette attitude des communautés précédente est qu’Allah leur imposa des contraintes supplémentaires pour avoir été exigeant en posant ces questions insistantes. Les charges religieuses devinrent ainsi très difficiles pour eux et ils finirent par les négliger, raison pour laquelle Allah a fini par les anéantir.
C’est pourquoi Allah défendit de poser de telles questions et mit en garde contre conséquences lorsqu’Il it :
﴾Ô les croya ts ! Ne posez pas de questions sur des choses qui, si elles vous étaient divulguées, vous mécontenteraient. Et si vous posez des questions à leur sujet, pendant que le Coran est révélé, elles vous seront divulguées. Allah vous a pardonné cela. Et Allah est Pardonneur et Indulgent. Un peuple avant vous avait posé des questions (pareilles) puis, devinrent de leur fait mécréants﴿
[Sourate Al-Ma’ da : 101-102].
L’un des récits illustrant cela est celui rapportant que certains israélites demandèrent à leur prophète qu’il leur ordonne de combattre pour la cause d’Allah et lorsque cela leur fut ordonné, ils firent volte- face et fuirent. C’est à leur sujet que furent révélées ces paroles d’Allah :
﴾N’as-tu pas su l’histoire des notables, parmi les enfants d’Israël, lorsque après Moïse ils dirent à un prophète à eux :
« Désigne-nous un roi, pour que nous combattions dans le sentier d’Allah ». Il dit : « Et si vous ne combattez pas, quand le combat vous sera prescrit ? ». Ils dirent : « Et qu’aurions-nous à ne pas combattre dans le sentier d’Allah, alors qu’on nous a expulsés de nos maisons et qu’on a capturé nos enfants ? ». Et quand le combat leur fut prescrit, ils tournèrent le dos, sauf un petit nombre d’entre eux. Et Allah connaît bien les injustes﴿.
[Sourate Al-Baqara : 246]
Un autre récit illustrant cela est celui de Moussa ﷺ (Moïse) lorsqu’il ordonna à son peuple d’immoler une vache. Ils insistèrent pour obtenir ses caractéristiques précises et Allah exigea alors d’eux des caractéristiques contraignantes. Or s’ils avaient immolé toute de suite n’importe quelle vache, cela aurait suffi.
Voici une autre raison pour laquelle le Prophète ﷺ défendit à ses Compagnons de poser des questions. Anas Ibn Malik, qu’Allah a agréé, a dit : « Il nous a été défendu de questionner le Messager d’Allah ﷺ sur tout et sur rien. Ainsi lorsqu’un Bédouin doué de raison venue du désert venait et lui posait une question, cela nous plaisait et nous écoutions » [4] Il était en effet permis aux Bédouins de poser des questions, car ils ignoraient et n’étaient pas au fait des derniers préceptes de la religion, contrairement aux Compagnons qui étaient constamment à proximité du Prophète ﷺ.
Le Prophète ﷺ a dit : « Le musulman qui cause le plus de torts aux autres musulmans est celui qui questionne au sujet de quelque chose qui n’a pas été déclaré illicite pour les musulmans et qui le devient suite à sa question » [5] .
6. Le Prophète ﷺ orienta ensuite le musulman sur ce qu’il devrait faire : lorsqu’un commandement lui parvient, il doit l’exécuter du mieux qu’il peut. Il lui est ordonné d’accomplir la prière en se conformant aux positions, aux piliers, à ses obligations et à ses Sounane connues et s’il est incapable de s’y conformer comme il se doit, il doit alors s’y conformer du mieux qu’il peut. Ainsi, s’il est incapable de prier debout, qu’il prie assis, ou allongé sur le côté et s’il est incapable de laver tous ses membres, qu’il lave ceux qu’il peut laver et ainsi de suite. Ceci, afin de mettre en pratique les paroles d’Allah :
﴾Craignez Allah, donc autant que vous pouvez﴿ .
[Sourate At-Taghaboune : 16]
Et lorsqu’un interdit lui parvient, il s’en prive totalement, car l’individu n’est pas considéré comme s’abstenant d’une chose s’il en consomme une partie. Il est par exemple interdit de consommer des boissons enivrantes, or si un individu s’abtient de consommer certaines variétés et en consomme d’autres, il ne sera pas considéré comme s’abstenant jusqu’à ce qu’il se prive de toutes les variétés existantes. C’est pour cela qu’Allah dit :
﴾Prenez ce que le Messager vous donne ; et ce qu’il vous interdit, abstenez-vous-en﴿.
Comment appliquer ce hadith
(1) Le Prophète ﷺ eut recours à la formulation la plus simple afin d’exposer les jugements religieux, puisqu’il se contenta de dire : « Allah vous a imposé d’accomplir le pèlerinage ». Le juriste et le mufti doivent donc s’efforcer d’exposer les jugements religieux de la manière la plus claire possible afin que leurs paroles ne soient ni ambiguës ni obscures.
(1) Ce hadith démontre que le pèlerinage est une des obligations qu’Allah a prescrites à Ses serviteurs et que le musulman qui en a la capacité doit prendre l’initiative de l’accomplir avant qu’une préoccupation ne l’en détourne ou qu’une difficulté ne l’en empêche.
(2) Il est permis au savant, au prédicateur et au juriste, en signe de réprobation pour l’auteur de la
question, de s’abstenir de répondre à sa question.
4. (2) Si l’auteur d’une question ne comprend pas que le silence du juriste ou du mufti est de la réprobation, il convient alors que le savant lui explique le jugement religieux en question et lui défende de poser ce genre de questions.
5. (3) Le serviteur doit méditer les situations au cours desquelles le Prophète ﷺ a manifesté de la compassion et de la miséricorde à l’égard de sa communauté et comment il se préoccupait d’elle et s’abstenait de répondre par crainte que les charges religieuses ne deviennent plus difficiles pour elle. Pour cette même raison, il ne sortait pas accomplir la prière de la nuit [à la mosquée] afin qu’elle ne devienne pas obligatoire pour les gens et défendait aux Compagnons de questionner sur ce que les textes religieux ont passé sous silence. Lorsque le serviteur médite cela, il aime le Prophète ﷺ et son amour pour lui augmente dans son cœur.
6. (4) L’être humain ne doit pas prendre la responsabilité de parler de ce qui a été passé sous silence par la religion et tenter de lui attribuer un jugement religieux. En effet, ce sur quoi on ne dispose d’aucun texte et qui n’est analogue à rien de connu est par défaut licite.
7. (4) La défense de poser des questions valait pour l’époque du Prophète ﷺ afin d’éviter que quelque chose soit déclaré illicite suite à la question et que cela leur cause une difficulté. Quant à aujourd’hui, il n’est pas permis à l’être humain d’agir sans avoir demandé si son action est licite ou illicite. Il doit plutôt acquérir la science afin de savoir ce qui est licite pour s’y engager et ce qui est illicite pour s’en abstenir [6].
8. (4) Les questions qu’il est défendu de poser de nos jours sont celles qui n’aboutissent à rien ou bien qui conduisent à un mal et à un préjudice, comme parler sans science des Noms et des attributs d’Allah et demander au sujet du comment de Ses attributs et de Ses actions [7].
9. (5) Il convient que le prédicateur justifie l’ordre ou la défense de faire quelque chose et d’expliciter la sagesse qui s’en dégage si cela est connu, car cela rend les gens plus susceptibles de se conformer à l’ordre ou à ce qui est défendu et plus enclins à accepter ce à quoi on les appelle.
10. (6) Ce hadith démontre que les serviteurs doivent s’acquitter du mieux qu’ils peuvent de ce qui leur a été ordonné. Ainsi, un pauvre n’est pas tenu de faire l’aumône, le malade et le voyageur sont autorisés à ne pas jeûner quitte à rattraper plus tard le jour de jeûne non jeûné et celui qui n’en a pas la capacité n’est pas tenu d’accomplir le pèlerinage ; au contraire, ce qui est exigé du musulman c’est d’exécuter ce qu’il peut de chaque commandement.
11. (6) Il est plus prioritaire de délaisser les actes de désobéissance que de s’acquitter des obligations. Ne vois-tu pas en effet que s’acquitter des obligations a pour condition d’en avoir la capacité alors que ce qui est défendu, le serviteur doit s’en abstenir et s’éloigner à tout moment et quelle que soit la situation de ce qui est susceptible d’y conduire.
12. (6) Un musulman ne s’abstient d’un acte de désobéissance que s’il s’abstient de tout ce qui est inclus dans cet acte de désobéissance. Ainsi, interdire de commettre l’associationnisme implique l’interdiction de commettre tout ce qui y conduit et qui n’est pas considéré comme de l’associationnisme, à l’image du fait de jurer par autre qu’Allah, même si on ne vénère pas celui au nom duquel on jure, ainsi que le fait de dire « Ce que veut Allah et veut Untel » et d’autres prétextes et causes menant à l’associationnisme.
1. Voir Al-Mouyassar Fi Charh Massabih As-Sounna d’At-Tawrabachti (2/586) et Touhfat Al-Abrar Charh Massabih As-Sounna d’Al-Baydawi (2/120).
2. Voir Al-Moufhim Li-ma Achkal Mine Talkhis Kitab Moslim d’Abou Al-’Abbass Al-Qourtoubi (3/447) et Touhfat Al-Abrar Charh Massabih As-Sounna d’Al-Baydawi (1/130).
3. Voir le commentaire du Sahih de Moslim par An-Nawawi (9/101) et le commentaire de Al-Arba’oune An- Nawawiyya d’Ibn Daqiq Al-’Id (p.57).
4. Moslim (12).
5. Al-Boukhari (7289) et Moslim (2358).
6. Voir le commentaire de Al-Arba’oune An-Nawawiyya d’Ibn ‘Othaymine (p.315).
7. Voir le commentaire de Al-Arba’oune An-Nawawiyya d’Ibn ‘Othaymine (p.315).