‘Â`icha – qu’Allah a agréée – nous informe que la première manifestation de la Prophétie du Messager d’Allah ﷺ fut des visions véridiques. Ainsi, chaque fois qu’il voyait une chose en rêve, elle se réalisait dans la réalité fidèlement à ce qu’il avait vu et aussi claire que le matin et sa lumière.Ces visions ne comportaient pas de rêves confus que les gens voient habituellement, mais étaient plutôt toutes véridiques, comme si elles servaient à préparer quelque chose d’éminent.En effet, la Révélation commença par ces prémices – comme les visions pieuses, le fait qu’il entende la glorification des cailloux à La Mecque avant sa prédication, le salut que les pierres lui adressaient en le qualifiant de Prophète et d’autres choses encore – afin de le préparer, lui faire prendre conscience de ce à quoi on le destinait et l’apprêter à ce qui l’attend, de manière à ce que l’ange ne le surprenne pas avec quelque chose que l’être humain ne peut supporter sans ces prémices qui raffermissent son cœur[1].
2. Ensuite, il se mit à apprécier la retraite pieuse, à s’isoler et à s’éloigner de la fréquentation des gens. De plus, la retraite pieuse a parfois comme effet de vider le cœur des préoccupations de ce bas monde et de ce fait, la réflexion de l’être humain devient plus saine et son comportement s’améliore.
3. Le Prophète ﷺ se retirait donc dans une grotte située dans le mont Hirâ`, à La Mecque, où il restait de nombreuses nuits à adorer Allah. Lorsqu’il voulait se retirer, il partait à la montagne en prenant avec lui des provisions suffisantes et lorsqu’elles s’épuisaient, il revenait auprès de sa famille et prenait la même quantité de provisions que les jours précédents.
4. Alors qu’un jour le Prophète était en train d’adorer Allah, il reçut la Révélation explicitement et un ange descendit à lui : l’ange Jibrîl chargé de la Révélation qui lui dit : « Lis ». Le Prophète ﷺ lui répondit : « Je ne sais pas lire ». En effet, le Prophète était illettré et il ne savait ni lire ni écrire,conformément aux paroles d’Allah :
﴾ Croyez donc en Allah, en Son messager, le Prophète illettré ﴿
[Sourate Al-A’râf : 158].
5. Lorsque le Prophète ﷺ lui dit cela, il le serra et le pressa au point que cela l’épuisa et lui fut pénible, puis il le lâcha et lui dit de nouveau : « Lis ». Le Prophète ﷺ lui donna la même réponse.L’ange le saisit et le serra de nouveau et lui demanda la même chose mais le Prophète ﷺ lui donna la même réponse. L’ange le saisit et le serra une troisième fois puis le lâcha et dit :
﴾Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé, qui a créé l’homme d’une adhérence. Lis ! Ton Seigneur est le Très Noble, qui a enseigné par la plume [le calame], a enseigné à l’homme ce qu’il ne savait pas﴿
[Sourate Al- ‘Alaq : 1-5]
Ce furent ainsi les premiers versets révélés du Coran.
6. Suite à cela, le Prophète ﷺ retourna auprès de son épouse Khadîja, totalement apeuré, tremblant, et le cœur battant la chamade. Il entra auprès d’elle et lui demanda de le couvrir, car celui qui a peur a l’impression d’avoir très froid à ses articulations et ses membres. Elle le couvrit donc et l’enveloppa jusqu’à ce que sa peur intense se dissipe.
7. Ensuite, il lui raconta son histoire et ce qui lui arriva dans la grotte et il ajouta : « J’ai eu peur pour ma vie ». Cela signifie qu’il a eu peur, en voyant l’ange et l’effroi que cela suscita, que son cœur s’arrête[2].
8. Khadîja – qu’Allah a agréée – lui dit alors afin de le rassurer : Par Allah, Allah ne te fera jamais de mal et ce que tu as vécu n’est pas un malheur causé par un démon ou autre, car les bonnes actions protègent contre les malheurs. Puis elle se mit à énumérer ses nobles vertus :
9. Son entretien des liens de parenté en leur rendant visite et en demandant de leurs nouvelles.
10. En se chargeant des affaires de ceux qui ne peuvent se charger de leurs affaires, comme le faible,l’orphelin, etc.
11. En donnant de l’argent à celui qui n’en a pas.
12. En honorant ses hôtes et en leur servant à manger et à boire.
13. En aidant les gens lorsqu’ils subissent des calamités indépendantes de leur volonté – non pas ceux dont les calamités sont causées par leurs transgressions et leur désobéissance à Allah.
14. Ensuite, Khadîja, qu’Allah a agréée, l’emmena chez son cousin (fils de son oncle paternel) Waraqa ibn Nawfal qui avait délaissé l’adoration des idoles et avait embrassé le christianisme. Il connaissait la Torah et l’Évangile et il parlait et savait écrire l’hébreu qui est la langue des juifs, au point qu’il écrivait l’Évangile en hébreu ce qu’Allah en a voulu. Waraqa était si vieux qu’il devint aveugle.
15. Lorsque le Prophète ﷺ raconta à Waraqa ce qu’il avait vu, Waraqa l’informa que c’était le Confident qu’Allah fit descendre auprès de Moussâ, signifiant par cela l’ange Jibrîl – qu’Allah le protège. Il ne le qualifia ainsi que parce qu’il était, parmi tous les anges, spécifiquement chargé de la Révélation. Les paroles de Waraqa impliquaient que Mohammad ﷺ est devenu un prophète envoyé par Allah à son peuple, tout comme Moussâ a été envoyé aux israélites.
16. Ensuite, Waraqa affirma que les siens le traiteront de menteur et le combattront jusqu’à ce qu’ils le bannissent de son pays. Puis Waraqa regretta de ne plus être jeune et aurait aimé être un jeune homme solide pouvant défendre le Prophète et luttant avec lui et être encore vivant quand cela arrivera.
17. Le Prophète ﷺ s’étonna des paroles de Waraqa et fut surpris de savoir que les siens allaient le bannir de La Mecque lorsqu’il les appellera au salut et à proclamer l’unicité d’Allah, alors que les Qouraychites connaissaient la véracité et la loyauté qui était la sienne avant cela. Waraqa l’informa alors que cela est le cas de tous les prophètes et qu’aucun prophète n’a échappé à l’hostilité et à la persécution.
18. Puis Waraqa informa le Prophète ﷺ que s’il est encore en vie « lorsque sa Prophétie se manifestera et que sa religion se diffusera », ou peut-être voulait-il dire « lorsque les tiens te banniront et te démentiront », il le ferait triompher en le soutenant de toutes ses forces, en apportant les preuves et les arguments de sa véracité et de sa Prophétie, afin que sa victoire soit claire et explicite.
19. Peu de temps après, Waraqa mourut et la Révélation cessa de descendre quelque temps.
Comment appliquer ce hadith :
1. Le Prophète ﷺ épousa ‘Â`icha alors qu’elle était encore jeune, puis lorsque furent révélées les paroles d’Allah :
﴾Ô Prophète ! Dis à tes épouses : Si c’est la vie présente que vous désirez et sa parure, alors venez ! Je vous donnerai [les moyens] d’en jouir et vous libérerai [par un divorce] sans préjudice. Mais si c’est Allah que vous voulez et Son messager ainsi que la Demeure dernière, Allah a préparé pour les bienfaisantes parmi vous une énorme récompense﴿
[Sourate Al-Ahzâb : 28-29]
Suite à ce verset, il lui ordonna de demander conseil à ses parents, mais elle refusa et lui répondit : « Pourquoi demanderais-je conseil à mes parents à ce sujet ? Je veux assurément Allah et Son Messager ainsi que la Demeure Dernière »[3]. Elle était alors une adolescente et est donc un exemple pour nous s’agissant de donner la préférence à Allah et à Son Messager ﷺ .
2. ‘Â`icha – qu’Allah a agréée – narre ce hadith qui comporte les mérites de Khadîja au sujet de laquelle elle dit à une autre occasion : « Je n’ai jamais été jalouse d’une épouse du Prophète ﷺ comme j’ai été jalouse de Khadîja »[4]. Cependant, sa jalousie naturelle qu’Allah rend innée chez les femmes, ne l’a pas empêchée de narrer ce hadith. Il ne convient donc pas qu’un être humain passe sous silence le mérite de quelqu’un ou lui renie un droit, à cause d’une rivalité ou d’un différend, que ce soit professionnellement ou dans la vie quotidienne.
3. Le fait que Jibrîl – qu’Allah le protège – ait serré le Prophète et qu’il lui ait demandé à plusieurs reprises de dire : « Lis », démontre qu’il est recommandé de répéter les paroles jusqu’à ce que l’interlocuteur les comprenne et à le mettre en condition pour qu’il n’accorde aucune attention à ce qui pourrait le distraire et le préoccuper. Ceci, afin que son esprit soit concentré et plus réceptif à ce qu’il va écouter. C’est là un enseignement utile aux prédicateurs, aux enseignants et aux éducateurs qui permet d’éviter à leur public d’être distrait par des parasites sonores et visuels lorsqu’ils acquièrent la science.
4. Lorsque le Prophète ﷺ retourna auprès de Khadîja, terrifié par ce qu’il venait de vivre, et qu’il le lui raconta, elle ne paniqua pas et garda la tête froide. Elle ne le harcela pas non plus de questions à propos de ce qui venait de se produire, mais s’empressa plutôt de le couvrir avec des vêtements jusqu’à ce que sa terreur s’apaise. Par ailleurs, elle ne douta pas ni ne le soupçonna d’avoir perdu la raison, mais elle le crut et lui annonça qu’Allah n’infligera jamais d’affronts à celui qui possède ses
belles qualités, et insista sur cette idée en utilisant des expressions telles que « pas du tout », « par Allah », « jamais »… De plus, elle le rassura en lui rappelant ses attributs agréables et elle ne se contenta pas de cela puisqu’elle l’emmena chez son cousin qui saurait interpréter ce qui lui était arrivé et fut, suite à cela, la première à croire en lui. Elle est le modèle d’épouse vertueuse qui assiste son époux et allège ses peines et la dureté de sa vie.
5. Khadîja comprit que la loi établie par Allah veut qu’Allah aide celui qui aide les gens et ne lui inflige pas d’affronts. Ne crois donc pas que tes efforts physiques, ton temps, tes dépenses ou tes réflexions sont vains et offre aux gens ce qui est convenable de bon cœur, avec conviction et en mettant en dépôt ta rétribution auprès d’Allah et dépense dans l’aisance pour récolter les résultats dans l’adversité.
6. Inspire-toi de ces attributs dont se parait le meilleur des êtres humains. Ce n’est pas une mission qui se réalise en une seule fois, mais plutôt un exercice qui doit être répété une multitude de fois pour acquérir chaque attribut. On entretient ainsi les liens de parenté grâce aux visites, aux appels, à l’aide qu’on apporte à ses proches et à tout beau geste envers eux. On devient serviable en aidant toute personne n’étant pas capable d’assumer toutes ses responsabilités, comme les gens physiquement faibles ou ceux qui ont peu d’expérience dans la vie, ou bien en étant financièrement généreux ou en facilitant d’avoir des revenus ou un travail à quelqu’un qui peine à en trouver, ou bien en accueillant quelqu’un de passage chez soi ou sur son lieu de travail, ou bien en prodiguant de l’aide à ceux qui subissent des calamités.
7. Il convient par défaut de ne pas faire l’éloge de quelqu’un en sa présence, en raison de l’orgueil que cela peut lui inspirer et de l’influence que cela peut avoir sur l’intention de ses œuvres. Cependant, l’exemple de Khadîja, qu’Allah a agréée, démontre qu’il est permis à l’être humain de faire l’éloge de son frère en sa présence si cela a un intérêt, comme vouloir le raffermir lorsqu’il est sujet à un trouble ou lui annoncer le bon dénouement de sa patience, ou pour une raison semblable, particulièrement lorsqu’on sait pertinemment que cet éloge ne conduira pas la personne en question à ressentir de l’orgueil[5].
8. Les paroles de Waraqa ibn Nawfal : « jamais un homme n’a apporté ce que tu apportes sans avoir été persécuté » démontrent que l’hostilité des gens envers les vertueux et les prédicateurs qui appellent au vrai, n’est pas chose nouvelle. C’est au contraire ce à quoi font habituellement face les prophètes et ceux qui suivent leur voie dans la prédication. Il convient donc que le prédicateur ne soit pas détourné de sa mission à cause des gens corrompus qui le harcèlent.
9. Le Prophète ﷺ aimait se retirer afin d’adorer Allah et se couper des humains, des plaisirs du bas monde et de ce qui s’y passait. Se retirer est parfois bénéfique sans que cela ne porte atteinte aux intérêts des gens, comme lorsque quelqu’un délaisse son travail et ses responsabilités sous prétexte de se retirer comme le font les adeptes des religions déviantes, ou bien se retirer pour accomplir des adorations qui n’en sont en réalité pas.
Références
- Voir le commentaire du Sahih de Moslim par An-Nawawî (2/197,198).
- Voir Ikmâl Al-Mou’lim bi-Fawâ`id Moslim d’Al-Qâdî ‘Iyâd (1/484,485).
- Al-Boukhârî (4785) et Moslim (1475).
- Al-Boukhârî (3816) et Moslim (2435).
- Voir le commentaire du Sahih de Moslim par An-Nawawî (2/202).