Ce hadith fait partie des hadiths les plus importants relatifs à la jurisprudence de la prière, puisqu’il renferme les principaux piliers et obligations de la prière. Les juristes lui accordent une attention particulière et l’utilisent souvent comme argument dans les problématiques juridiques. Il est célèbre dans le milieu savant sous le nom de « hadith de celui qui a mal accompli sa prière ‘‘.
1. Un homme entra dans la mosquée et pria alors que le Prophète ﷺ l’observait. Après avoir terminé sa prière, l’homme se dirigea vers le Prophète ﷺ afin de le saluer. Le Prophète ﷺ répondit à son salut puis lui ordonna de refaire la prière et l’informa que sa prière n’est pas acceptée ni prise en compte. En effet, si sa prière avait été prise en compte, le Prophète ﷺ ne lui aurait pas demandé de la refaire et se serait juste contenté d’attirer son attention sur les erreurs qu’il a commises afin qu’il les évite à l’avenir.
2. L’homme retourna prier, mais il pria comme la première fois. C’est pourquoi, lorsqu’il revint auprès du Prophète ﷺ, il lui ordonna de nouveau de refaire sa prière et l’homme persista à prier de la même manière. Le Prophète ﷺ lui ordonna encore une fois de refaire sa prière et l’homme l’informa qu’il ne savait faire la prière que de cette manière-là, puis demanda au Prophète ﷺ de lui enseigner comment bien prier et de lui dire quelles sont les erreurs qu’il a commises et qui ont invalidé sa prière. Le Prophète ﷺ ne lui a pas expliqué dès le début quelles étaient ses erreurs, car il croyait que l’homme connaissait les jugements relatifs à la prière ainsi que ses piliers et ses obligations, mais qu’il y a vait contrevenu. C’est pourquoi il lui demanda de refaire sa prière, mais lorsque l’homme l’informa qu’il ne savait comment prier correctement, le Prophète ﷺ lui expliqua les jugements relatifs à la prière. Une autre hypothèse est qu’en demandant plusieurs fois à l’homme de refaire sa prière puis en lui expliquant la raison pour laquelle il devait la refaire, cela l’aiderait à comprendre et à mémoriser plus efficacement et donc à ne plus commettre les mêmes erreurs[1].
3. Le Prophète ﷺ l’informa alors que lorsqu’il veut prier, qu’il commence par le takbir d’entrée en prière, ce qui signifie que ce takbir est un pilier sans lequel la prière n’est pas valide. Le Prophète ﷺ enseigna donc à cet homme ce qui rend sa prière valide et comme le contexte est un contexte d’apprentissage, il ne convient pas d’ajouter à la mention des piliers, l’explication des Sounane et autre[2].
Le Prophète ﷺ ne mentionna pas non plus l’intention, car l’homme la connaissait, puisque l’un des fondements de la religion que personne n’ignore est que les œuvres sont rétribuées en fonction des intentions, qu’il s’agisse de prière, d’aumône légale ou de toute autre adoration.
4. Le Prophète ﷺ lui ordonna ensuite de réciter de ce qu’il mémorise du Coran. Cela ne signifie pas qu’il lui est permis de réciter ce qu’il veut, mais il est plutôt rapporté dans d’autres hadiths complémentaires qu’il est obligatoire de réciter la sourate Al-Fatiha et que ‘‘ La prière de celui qui ne récite pas la sourate Al-Fatiha est nulle ’’[3]. Ce qui serait donc signifié par ‘‘ de ce qu’il mémorise du Coran » est la sourate Al-Fatiha, car Allah facilita sa mémorisation aux hommes, aux femmes et aux enfants, ou bien d’autres parties du Coran après la sourate Al-Fatiha puisqu’il est probable que l’homme savait que cette sourate est un pilier de la prière et que le Prophète ﷺ lui indiqua de réciter d’autres parties du Coran s’il en mémorise[4].
5. Ensuite le Prophète ﷺ lui ordonna de s’incliner et de rester quelques instants ainsi, puis de se relever et de rester debout, le dos droit, pendant quelques instants, puis de se prosterner et de rester quelques instants ainsi. Cela signifie qu’on ne doit pas se hâter lorsqu’on s’acquitte d’un pilier de la prière sans lequel la prière ne serait pas valide, et c’est la raison pour laquelle le Prophète ﷺ ordonna à cet homme de refaire sa prière. De plus, le Prophète ﷺ réprouva la prière qui n’est pas faite sereinement et dit :‘‘ C’est la prière de l’hypocrite. Il observe le soleil, puis lorsqu’elle est entre les deux cornes de Satan, il se lève et la fait en becquetant quatre fois en n’évoquant Allah que très peu ’’[5]. Le ‘‘ becquetage ’’ désigne les mouvements faits rapidement sans sérénité et qui ressemblent au becquetage des coqs.Dans ce hadith, le Prophète ﷺ mentionne certains piliers sans lesquels la prière serait invalide et n’en mentionna pas d’autres, comme l’intention, la position assise, la salutation finale et le salut, car cet homme les connaissait et le Prophète ﷺ l’a vu les accomplir. Le Prophète ﷺ ne lui a donc indiqué que ceux qu’il ignorait[6].
Comment appliquer ce hadith :
1. (1) Ce hadith indique que lorsqu’un musulman entre dans une mosquée où il y a des gens assis, il lui est recommandé d’accomplir la prière dite de salutation de la mosquée avant tout, puis de saluer les personnes présentes.
2. (1) Le musulman doit acquérir la science qui lui permet d’accomplir des adorations valides afinque ses adorations ne soient pas invalides.
3. (1) Il est recommandé au savant, au juriste et au prédicateur de s’asseoir à la mosquée pour que les gens se regroupent autour de lui et qu’il les exhorte, qu’il les incite à faire le bien et qu’il leur décrive la manière dont le Prophète ﷺ faisait la prière.
4. (1) Il est requis, pour qu’une œuvre soit acceptée, qu’elle soit exclusivement dédiée à Allah et qu’elle soit conforme à la Sounna. Tout comme l’absence de la condition d’exclusivité à Allah invalide l’œuvre, il en est de même lorsqu’une œuvre contrevient à la Sounna et elle ne devient pas valide simplement parce que l’intention était bonne.
5. (1) Il est permis au prédicateur et au juriste de reporter l’explication d’une chose lorsque cela est nécessaire, comme rendre l’auditoire désireux d’entendre le jugement religieux, attendre que les gens soient plus nombreux pour qu’un plus grand nombre profite de ce qu’il va leur dire, etc.
6. (2) Ce hadith démontre qu’il est recommandé de saluer les gens autour de soi et qu’il est obligatoire d’y répondre. Il démontre aussi qu’il est recommandé de réitérer les saluts, et ce même si les rencontres sont rapprochées et que l’on s’était déjà salué peu de temps avant, et qu’il est obligatoire d’y répondre à chaque fois.
7. (2) Il y a dans ce hadith la recommandation d’être compréhensif avec l’interlocuteur instruit comme avec l’interlocuteur ignorant, d’être aimable avec lui, de lui clarifier la problématique, de résumer les finalités et de se restreindre à ce qui est important pour lui sans entrer dans des détails complémentaires qu’il est peu susceptible de mémoriser et de mettre en pratique[7].
8. (3) La clé de la prière est le takbir, qui signifie dire : Allahou Akbar (Allah est le Plus Grand) pour entrer en prière. Cette clé mérite donc que tu la considères plus importante que le bas monde et ce qu’il contient et aucune des distractions ne doit t’empêcher de te recueillir et d’être serein.
9. (4) Ce hadith démontre que la religion a été facilitée aux musulmans et qu’ils n’ont pas été chargés de ce qui leur est pénible. Ainsi, l’ordre du Prophète ﷺ à cet homme de réciter de ce qu’il mémorise du Coran, est contraire à l’habitude qu’ont certains imams à réciter de longues sourates pendant la prière, rendant celle-ci difficile pour les gens. Le Prophète ﷺ a dit : ‘‘ Lorsque l’un de vous dirige la prière des gens, qu’il l’allège, car il y a parmi eux des faibles, des malades et des vieux. Si en revanche l’un d’eux prie seul, qu’il fasse durer la prière autant qu’il le veut ’’[8].
10. (5) La sérénité est un pilier de la prière sans lequel elle n’est pas valide. Sa finalité est de vivre consciemment sa prière et de méditer les évocations et les invocations récitées. En effet, la prière ne consiste pas seulement en des mouvements que le musulman effectue, se levant et se baissant.
11. Une des manières de s’enjoindre mutuellement le vrai, d’ordonner ce qui est convenable et de défendre ce qui est blâmable, est d’attirer l’attention des ignorants sur leurs fautes et de les instruire.On rapporte que Zayd Ibn Wahb – qu’Allah lui fasse miséricorde – dit : Hodhayfa – qu’Allah a agréé – vit un homme qui n’avait pas complété son inclinaison et sa prosternation. Il lui dit : ‘‘ Tu n’as pas prié et si tu mourrais maintenant, tu mourrais sur autre que la nature originelle qu’Allah a créée en Mohammed ﷺ ’’. Or ces paroles sont très sévères.[9]
12. Un poète a dit :Tu pries sans présence du cœur et une telle prière accomplie par un enfant mériterait une punition. Malheur à toi ! Sais-tu à qui tu te confies en étant distant et face à qui tu t’inclines, en n’étant pas recueilli ?Tu Lui dis ‘‘ C’est Toi que nous adorons ’’ en étant distrait par autre chose, sans qu’une nécessité ne t’amène à cela.Or, toi-même, si quelqu’un se confiait à toi en regardant autrui, tu te consumerais d’obfuscation et de jalousie.
Références
- Voir Al-Kâchif ‘an Haqâ`iq As-Sounane d’At-Tîbî (3/977), At-Tawdîh li-Charhh Jâmi’ As-Sahih d’Ibn Al-Mulaqqin (30/313) et Fath Al-Bari Sahih Al-Boukhari d’Ibn Hajar Al-’Asqalani (2/281).
- Voir Ikmal Al-Mou’lim Bi Fawa’id Moslim d’Al-Qadi ‘Iyad (2/282).
- Al-Boukhari (756) et Moslim (394).
- Voir Ma’alim As-Sounane d’Al-Khattabi (1/210), Ikmal Al-Mou’lim Bi Fawa’id Moslim d’Al-Qadi ‘Iyad (2/282) et Al-Moufhim Li-ma Achkal Min Talkhisse Kitab Moslim d’Abou Al-’Abbass Al-Qourtoubi (2/29).
- Moslim (622)
- Voir le commentaire du Sahih de Moslim par An-Nawawi (4/107).
- Voir le commentaire du Sahih de Moslim par An-Nawawi (4/108, 109).
- Al-Boukhari (703) Moslim (467) d’après Abou Hourayra, qu’Allah a agréé.
- Al-Boukhari (791).