33 - Concilier le fait d’œuvrer et la croyance au destin

عَنْ أَبِي هُرَيْرَةَ رضي الله عنه، قَالَ: قَالَ رَسُولُ اللهِ ﷺ: «الْمُؤْمِنُ الْقَوِيُّ خَيْرٌ وَأَحَبُّ إِلَى اللهِ مِنَ الْمُؤْمِنِ الضَّعِيفِ،وَفِي كُلٍّ خَيْرٌ.احْرِصْ عَلَى مَا يَنْفَعُكَ،وَاسْتَعِنْ بِاللهِ وَلَا تَعْجِزْ، وَإِنْ أَصَابَكَ شَيْءٌ، فَلَا تَقُلْ: لَوْ أَنِّي فَعَلْتُ كَانَ كَذَا وَكَذَا، وَلَكِنْ قُلْ: قَدَرُ اللهِ وَمَا شَاءَ فَعَلَ؛ فَإِنَّ (لَوْ) تَفْتَحُ عَمَلَ الشَّيْطَانِ» رواه مسلم

 

Abou Hourayra – Allah l’a agréé – rapporte que le Messager d’Allah a dit

1- ‘‘ Le croyant fort est meilleur et plus aimé par Allah que le croyant faible 2- et dans les deux il y a du bien. 3-Préoccupe-toi de ce qui t’est bénéfique, 4-sollicite l’aide d’Allah et ne sois pas paresseux. 5- Et lorsque quelque chose t’atteint, ne dis pas: si j’avais fait telle et telle chose, il se serait passé ceci et cela, 6-mais dis plutôt : Allah a décidé et Il fait ce qu’Il veut. 7-  Car « si » ouvre la voie à l’œuvre de Satan ’’ 

1.Le Prophète ﷺ nous informe que le croyant fort est plus aimé par Allah que le croyant faible. La force comprend ici la force de la foi ainsi que ce qui la complète comme force de l’âme, force physique, force savante, etc. Lorsque toutes ces forces sont réunies, elles permettent à l’être humain d’accomplir dans sa vie quotidienne les adorations, sa lutte pour la cause d’Allah et la réalisation de ses intérêts propres et de ceux des gens.

Allah dit :

﴾Et préparez [pour lutter] contre eux tout ce que vous pouvez comme force et comme cavalerie équipée, afin d’effrayer l’ennemi d’Allah et le vôtre, et d’autres encore que vous ne connaissez pas en dehors de ceux-ci, mais qu’Allah connaît. ﴿.

[Sourate Al-Anfâl : 60]

Par ailleurs, ces forces donnent au croyant la capacité d’être patient lorsqu’il accomplit des actes d’obéissance, qu’il s’éloigne des actes de désobéissance et qu’il ne suit pas ses désirs. Ces forces le motivent également à ordonner ce qui est convenable et à interdire ce qui est blâmable et lui donnent la patience de supporter les maux provenant des gens et les malheurs qui le touchent[1].

2.Le fait que le croyant fort soit meilleur que le croyant faible ne signifie pas qu’il n’y a rien de bien dans le croyant faible. Au contraire, il y a du bien en lui, même si ce manque diminue sa valeur et son rang. Le style utilisé ici s’appelle le style circonspect.

3.Après avoir affirmé que le croyant fort est meilleur, le Prophète ﷺ explique ce que doit faire le croyant et vers quoi sa force doit être dirigée. De courtes expressions riches de sens sont utilisées ici par le Prophète ﷺ puisqu’il indique au croyant de se préoccuper de ce qui lui est bénéfique dans l’immédiat et à l’avenir, de se concentrer sur cela, de lui consacrer ses ressources et de ne pas en être distrait, en usant de formules qui ont une portée d’ordre générale.

4.Lorsque le musulman se préoccupe de ce qui lui est bénéfique pour sa religion et sa vie terrestre, il doit implorer l’aide d’Allah, s’en remettre à Lui pour obtenir ce qu’il recherche, ne pas céder à la paresse et ne pas laisser ses forces faiblir avant de parvenir à ses fins en prétextant que s’il échoue c’est qu’il était destiné à échouer ou bien en avançant comme excuse que s’il échoue c’est parce qu’il est faible ou autre alors qu’il n’a rien tenté. Dans ce cas, c’est lui qui est fautif pour avoir été négligent et imprévoyant.

5.Lorsque le croyant subit quelque chose de contraire à ce qu’il recherche, il ne doit pas, par impatience, rébellion à l’encontre du décret d’Allah ou par croyance que les choses auraient été différentes s’il avait agi différemment, regretter ses efforts et dire : « Si j’avais fait ceci et cela, il se serait passé telle chose ». En effet, les choses surviennent selon ce qu’Allah a destiné avant de créer les cieux et la Terre. Le rôle de l’être humain n’est que de mobiliser les causes et laisser Allah seul décider du résultat.

6.Il doit dire : « Allah a décidé et Il a fait ce qu’il veut » en disant qadarou Llah [et non qaddara Llah][2]. Cela signifie qu’il doit confier son affaire à Allah et dire : Tel est le destin d’Allah et cel 

s’est produit parce qu’Allah en a décidé ainsi, Il l’a écrite pour nous et il ne se produit que ce qu’Il

veut.

Cela ne signifie pas qu’il est permis de prétexter le destin lorsque l’on commet un acte de désobéissance ou une erreur et que l’on persiste à la commettre, en disant « J’ai désobéi parce qu’Allah l’a écrit ». Allah désapprouva les mécréants qui ont avancé cet argument invalide pour justifier leur associationnisme.

Il dit en effet :

﴾ Ceux qui ont associé diront : ‘‘ Si Allah avait voulu, nous ne Lui aurions pas donné des associés, nos ancêtres non plus et nous n’aurions rien déclaré interdit ’’. Ainsi leurs prédécesseurs traitaient de menteurs (les messagers) jusqu’à ce qu’ils eurent goûté Notre rigueur. Dis : ‘‘ Avez-vous quelque science à nous produire ? Vous ne suivez que la conjecture et ne faites que mentir ’’ ﴿

[Sourate Al-An’âme : 148].

7.Le Prophète ﷺ n’a défendu cela que parce que ces paroles ouvrent la porte à Satan qui se met à insuffler au croyant de nier le destin, de se rebeller contre lui, de se faire constamment des reproches, de se déprécier en disant que l’on ne vaut rien et de vivre dans la mélancolie. Ceci affaiblit alors la force du croyant, lui fait perdre son temps et lui fait manquer des opportunités.

Cela ne signifie pas que le mot ‘‘ si ’’ est illicite dans l’absolu. Il n’est illicite que s’il est dit en guise de mécontentement, de reproche ou autre. Si en revanche on le dit pour mettre en évidence une erreur, expliquer un jugement religieux ou parler de quelque chose qui se produira à l’avenir, alors cela est permis.

Le prophète Lot dit

: ﴾ Il dit : ‘‘ [Ah !] si j’avais de la force pour vous résister ! Ou bien si je trouvais un appui solide ! ’’ ﴿

[Sourate Houd : 80]

. Le Prophète ﷺ dit pour sa part : ‘‘ Si je ne craignais pas de trop charger ma communauté, je lui aurais ordonné l’usage du siwak ’’ [3] Et Abou Bakr dit lorsqu’il était avec le Prophète ﷺ dans la grotte : ‘‘ Si l’un d’eux regardait sous ses pieds, il nous verrait ’’[4] 

Comment appliquer ce hadith 

1. L’âme saine aspire à être la meilleure dans tout ce qui est bien et ce désir d’être la meilleure motive à œuvrer afin d’atteindre les meilleurs rangs. Incite donc ceux dont tu as la responsabilité, comme tes enfants, tes élèves ou tes employés à accomplir des œuvres surérogatoires et aide-les en cela en les orientant et en les soutenant.

2. La force est une cause permettant de parvenir à ses fins. Entraîne-toi donc à endurer, à patienter et à acquérir les forces qui permettent d’obtenir les agréments d’Allah. Ainsi, la prière, l’aumône légale, le jeûne, le pèlerinage, le jihad, commander le convenable et défendre le blâmable, la piété filiale, l’entretien des liens de parenté et autres bonnes actions à faire ou mauvaises actions à délaisser nécessitent une variété de forces physiques, psychiques, savantes et autres. Si tu as la force d’en accomplir certaines, loue Allah et pour celles que tu n’as pas la capacité d’accomplir, remets-en toi à Allah [pour qu’Il te donne la force de les accomplir].

3. Lorsque tu vois quelqu’un être démoralisé à cause de sa faiblesse en science, en commerce, en aptitudes physiques ou autres, console-le en lui disant que grâce à ses efforts il est sur le bon chemin.

4. Le Prophète ﷺ a réuni dans ses paroles ‘‘ Préoccupe-toi de ce qui t’est bénéfique, sollicite l’aide d’Allah ’’ deux fondements qui forment le fait de s’en remettre à Allah:

mobiliser les causes tout en comptant sur Allah et en Lui faisant confiance, conformément à Ses paroles ﴾Adore-Le donc et place ta confiance en Lui﴿

[Sourate Houd : 123]

. Ainsi, l’élève fait des efforts pour apprendre, le chef d’un projet travaille comme il se doit et fait son possible pour la réussite de son projet, l’enseignant diffuse sa science et explique bien à ses élèves ce qu’il leur apprend et tous implorent l’aide d’Allah pour satisfaire leurs besoins et obtenir de Lui qu’Il leur facilite de parvenir à leurs fins.

5. La paresse est un mal qui empêche beaucoup de gens de réaliser leurs intérêts. Ayant l’intention de faire une bonne action, ils surestiment les efforts qu’elle requiert et la délaissent avant d’avoir commencé. Il arrive aussi qu’ils commencent à œuvrer puis qu’ils perdent la motivation de continuer et s’arrêtent en milieu de chemin. L’être humain doit donc rassembler ses forces, être actif, ne pas faiblir et ne pas céder à la paresse.

6. Il n’est pas permis à l’être humain de dire des mots qui provoquent la colère d’Allah, comme insulter le destin ou bien dire :  Pourquoi moi ’’, ‘‘ Pourquoi Untel ’’ ou bien dire : ‘‘ si ’’ par mécontentement et opposition au destin.

7. L’être humain doit se préoccuper de ce qui lui est bénéfique dans tous les aspects de sa vie religieuse et terrestre. Même si sa pratique religieuse est complète, il ne doit pas négliger ses intérêts terrestres et ceux des personnes dont il a la charge. Il doit plutôt se préoccuper d’apprendre les sciences terrestres bénéfiques, gagner sa subsistance de manière licite, préserver sa santé, etc.

8. Lorsque tu commets une erreur, implore le pardon d’Allah, et lorsque tu subis un malheur dis :‘‘ Nous sommes à Allah et c’est à Lui que nous retournons ’’ et ‘‘ Allah a décidé et Il fait ce qu’il veut ’’ et arrête de te faire constamment des reproches et de souhaiter en permanence autre chose que ce qui t’a été destiné. Ceci conduit en effet à se rebeller contre son destin, à devenir faible et mélancolique. Or ce qui a été destiné et appartient au passé ne peut être changé, concentre-toi donc sur le futur et vois ce que tu peux faire en implorant l’aide d’Allah.

9. :Un poète a dit 

À qui le serviteur pourrait-il implorer de l’aide, sinon à son Seigneur, et vers qui l’homme peut-il se tourner dans l’adversité et les malheurs ? Qui est le possesseur de ce bas monde et de ses habitants, et qui met fin à l’épreuve de loin et de près ? Et qui donc fait disparaître la calamité dès qu’elle survient ? Tout cela ne fait-il pas partie de ce que Tu fais, ô mon Seigneur ?


 

Références

  1. 25 Voir le commentaire du Sahih de Moslim par An-Nawawî (16/215), Mirqât al-Mafâtîh Charh Michkât al- Massâbîd’Al-Moullâ ‘Ali Al-Qârî (8/3318) et Ach-Chabâb wa Hifdh al-Awqât qui est l’une des conférences d’Ibn Baz.
  2. Voir Dalîl al-Fâlihîne (1/243), on dit aussi qu’on peut dire qaddara. Voir également Mirqât al-Mafâtîh Charh Michkât al-Massâbîh d’Al-Moullâ ‘Ali Al-Qârî (8/3318).26
  3. Al-Boukhari (7240).27
  4.  Al-Boukhari (3653) et Moslim (2381).28


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