139 - L’obligation de réprouver ce qui est blâmable

عَنْ طَارِقِ بْنِ شِهَابٍ قَالَ: أَوَّلُ مَنْ بَدَأَ بِالخُطْبَةِ يَوْمَ العِيدِ قَبْلَ الصَّلاةِ مَرْوَانُ، فَقَامَ إِلَيْهِ رَجُلٌ، فَقَالَ: الصَّلاةُ قَبْلَ الخُطْبَةِ، فَقَالَ: قَدْ تُرِكَ مَا هُنَالِكَ فَقَالَ أَبُو سَعِيدٍ رضي الله عنه: أَمَّا هذَا فَقَدْ قَضَى مَا عَلَيْهِ؛ سَمِعْتُ رَسُولَ اللهِ ﷺ يَقُولُ: «مَنْ رَأَى مِنْكُمْ مُنْكَرًا فَلْيُغَيِّرْهُ بِيَدِهِ، فَإِنْ لَمْ يَسْتَطِعْ فَبِلِسَانِهِ، فَإِنْ لَمْ يَسْتَطِعْ فَبِقَلْبِهِ، وَذَلِكَ أَضْعَفُ الإِيمَانِ»

Tariq Ibn Chihab a dit :

1.Le premier à avoir commencé par le sermon avant la prière le jour de l’Aïd estMarwane. Un homme se leva pour lui dire : « La prière doit être accomplie avant le sermon ». Marwane répondit :« Ceci a été délaissé ». 2.Abou Sa’id , qu’Allah a agréé, a dit : « Quant à celui-ci, il s’est a cquitté de ce qu’il devait». 3.J’ai entendu le Messager d’Allah       dire : « Celui d’ entre vous qui voit quelque chose de blâmable, qu’il le change avec sa main,4.s’il ne le peut pas, qu’il le fasse avec sa langue 5.et s’il ne le peut pas, qu’il le fasse avec son cœur. Ceci est le minimum que la foi exige »

 

1. Le Successeur (tabi’ i) Tariq Ibn Chihab – qu’Allah lui fasse miséricorde – affirme que Marwane Ibn Al-Hakam est le premier à avoir commis l’innovation consistant à prononcer le sermon avant l’accomplissement de la prière de l’Aïd. Or parmi les choses nécessairement connues de la religion d’Allah, il y a le fait que la prière de l’Aïd est accomplie avant le sermon. Cependant, Marwane craignait que les gens partent après la prière et voulut prononcer le sermon avant qu’ils ne parte[1].nt C’est alors qu’un homme se leva pour lui prodiguer un conseil et lui rappeler la Sounna qui dicte que la prière doit précéder le sermon, mais Marwane ne répondit pas favorablement à cet homme et lui dit plutôt : « Les gens ont délaissé ce dont tu parles ».

2.  A ce moment-là, Abou Sa’id Al-Khoudri, qu’Allah a agréé, a dit : Cet homme qui prodigua un conseil à Marwane s’est acquitté de son obligation d’être de bon conseil, d’ordonner ce qui est convenable et de défendre ce qui est blâmable et l’obligation [pour cette situation] ne le concerne plus . En effet, Allah ne charge une âme que de ce qu’elle peut supporter et Il dit :

﴾Il n’incombe au Messager que de transmettre (le message)﴿

[Sourate Al-Ma’ida : 99].

3.  Puis Abou Sa’id avança comme preuve de ses paroles qu’il entendit le Prophète ﷺ dire : « Celui d’entre vous qui voit quelque chose de blâmable qui est tout ce que la religion a qualifié de hideux ou de détestable, qu’il le change avec sa main ».Le changement avec la main ne signifie pas que le musulman doive s’empresser de saccager les biens et de verser le sang, causant ainsi un trouble et s’exposant aux ripostes et aux atteintes. Il est plutôt exigé pour changer avec la main, qu’on en ait le pouvoir et qu’on ne cause pas de mal, comme cela est le cas pour le détenteur de l’autorité qui change ce qui est blâmable grâce à son autorité, ou bien le père et époux qui éduque ses enfants et exprime sa désapprobation pour ce que fait son épouse. Si on n’a pas le pouvoir de changer avec sa main, on sollicite l’aide du détenteur de l’autorité et de ses délégués. Sinon, l’obligation de changer avec sa main ne tient plus.

4.  Si l’être humain ne peut changer avec la main ce qui est blâmable, comme lorsqu’il craint pour lui- même un préjudice ou de causer un trouble, il le change alors avec la langue. Cela consiste à exprimer sa désapprobation à l’auteur de l’acte de désobéissance, à l’appeler à Allah et à l’inciter à se repentir et à faire disparaître ce qu’il a commis. Il peut s’aider en cela de l’attitude qui aura le plus d’impact sur son interlocuteur, comme la sévérité ou la douceur selon les cas, conformément aux paroles d’Allah :

﴾Par la sagesse et la bonne exhortation appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon﴿ 

[Sourate An-Nahl : 125].

5.  Si l’être humain craint pour lui s’il tente de le changer par la langue ou s’il en est incapable, il doit désapprouver avec son cœur en détestant la chose blâmable qui est commise, en s’en désavouant devant Allah et en se promettant de le changer s’il en a le pouvoir.Par ailleurs, désapprouver avec son cœur est le plus faible degré de foi et en dessous de cela, il ne reste à l’être humain que l’approbation de l’acte de désobéissance et d’en être satisfait, même si ce n’est pas lui qui l’a commis. C’est pourquoi il est dit dans l’autre version du hadith : « Au-delà de cela, il n’y a pas de foi aussi infime qu’un grain de moutarde »[2].En outre, ordonner ce qui est convenable et défendre ce qui est blâmable, fait partie des plus importantes obligations, car c’est par elle que la société s’amende et que la religion d’Allah est établie. C’est une obligation communautaire qui, lorqu’elle est accomplie par certains, en dédouane les autres. Cependant, cette obligation peut devenir individuelle pour quelqu’un, si personne d’autre que lui n’identifie la chose blâmable ou bien si cette chose blâmable est commise au sein de sa famille ou parmi des gens sur lesquels il a autorité[3].Si la chose blâmable en question fait partie de ce que les musulmans ordinaires peuvent identifier, comme le délaissement de la prière ou du jeûne, l’impiété filiale, la consommation d’alcool, la fornication ou autre, alors chaque musulman a le droit d’exprimer sa désapprobation. Si en revanche elle fait partie des actes dont le jugement n’est pas connu par beaucoup de monde, alors c’est aux gens de science de la désapprouver.

 

1.  (1) Il y a dans ce hadith l’affirmation qu’est refusé ce que fait celui qui innove dans cette religion ce qui n’en fait pas partie, et que les œuvres ne sont acceptées que si elles sont conformes à la guidée du Messager d’Allah ﷺ.

2.  (1) L’homme qui se leva pour prodiguer un conseil à Marwane Ibn Al-Hakam ne redouta pas de subir sa tyrannie et son oppression. Il convient donc que le musulman ne craigne pas de désapprouver ce qui est blâmable tant que le préjudice n’atteint pas un degré qu’il ne peut supporter.

3.  (2) Ne sois pas dissuadé de désapprouver une chose blâmable par la certitude que celui à qui tu exprimes ta désapprobation ne t’écoutera pas. Il ne t’est demandé que d’être de bon conseil et Allah guide qui Il veut.

4.  (2) Prends garde de croire que le fait de t’éloigner des actes de désobéissance suffira à ton salut, car on mérite d’être puni lorsqu’on ne désapprouve pas ce qui est blâmable. Le Prophète ﷺ a dit :« Lorsque les gens voient ce qui est blâmable sans le désapprouver, Allah manque de leur infliger un châtiment collectif en guise de punition de Sa part »[4].

5.  (3) Il n’est pas permis à un musulman de voir quelque chose de blâmable sans le changer alors qu’il en a le pouvoir.

Allah dit :

﴾Ceux des Enfants d’Israël qui n’avaient pas cru ont été maudits par la bouche de David et de Jésus fils de Marie, parce qu’ils désobéissaient et transgressaient. Ils ne s’interdisaient pas les uns aux autres ce qu’ils faisaient de blâmable. Comme est mauvais, certes, ce qu’ils faisaient !﴿

[Sourate Al-Ma’ida : 78-79]

6.  (3) Prends garde de causer quelque chose de plus blâmable encore, que ce que tu as changé. Tu dois plutôt te parer de sagesse lorsque tu changes quelque chose de blâmable et lorsque tu t’aperçois qu’il est plus bénéfique de le changer avec la langue qu’avec la main, alors change-le avec la langue.

7.  (3) Il est exigé pour changer avec la main d’en avoir le pouvoir et de s’assurer de l’absence de préjudice et de trouble. Si ces conditions sont remplies, alors agis.

8.  (3) Un des changements par la main consiste à ce que le musulman n’accepte pas que son épouse, sa fille ou sa sœur sorte en n’étant pas correctement vêtue. Il ne lui suffit pas dans ce cas de lui prodiguer des conseils mais il doit aussi lui interdire de sortir ainsi accoutrée.

9.  (3) Un des changements par la main consiste à ce que le musulman ordonne aux membres de sa famille de prier et d’adorer Allah et de les punir pour cela par ce qu’il espère les amener à ce qu’ils soient guidés.

10.  (3) Un des changements par la main consiste à ce que le musulman enlève de son foyer les symboles d’associationnisme et d’actes de désobéissance, comme les représentations, les statues, les talismans et autres.

11.  (4) Si tu es incapable de changer avec la main mais que tu as la possibilité de prodiguer des conseils et d’expliquer le vrai avec sagesse et sans causer de trouble, alors fais-le.

12.  (4) Changer avec la langue ne se fait pas en insultant, calomniant, invectivant et en médisant, mais plutôt en prodiguant de bons conseils, en enjoignant ce qui est convenable avec ce qui est convenable et en interdisant ce qui est blâmable sans recourir à ce qui est blâmable.

13.  (4) Le musulman sincère doit prendre l’initiative d’ordonner ce qui est convenable et de défendre ce qui est blâmable. Il ne doit pas en être dissuadé sous prétexte qu’il a peur de ceux qui occupent des hautes fonctions dans ce bas monde, car Allah dit :

﴾Si Allah ne repoussait pas les gens les uns par les autres, les ermitages seraient démolis, ainsi que les églises, les synagogues et les mosquées où le nom d’Allah est beaucoup invoqué﴿

[Sourate Al-Hajj : 40].

14.  (4) Ordonner ce qui est convenable et interdire ce qui est blâmable ne sont pas des obligations spécifiques aux détenteurs de l’autorité et aux gouverneurs, mais c’est aussi une obligation pour les musulmans ordinaires. Il est donc obligatoire au musulman d’ordonner et d’interdire dès lors qu’il a connaissance de ce qu’il ordonne ou interdit.

15.  (4) Une des manières d’exprimer de la miséricorde à l’égard du musulman désobéissant et à la société musulmane, est de lui prodiguer des conseils et de rectifier son comportement.

16.  (4) Le croyant authentique ne se contente pas de s’amender lui-même mais se préoccupe également de l’état de la société qui l’entoure et s’efforce de lui faire identifier les dangers qui menacent sa religion et sa vie dans ce bas monde.

17.  (4) Une des plus grandes épreuves pouvant atteindre l’individu, c’est de s’abstenir de commander ce qui est convenable et de défendre ce qui est blâmable par égard pour l’amour d’un être cher, un lien de parenté et une amitié ou bien pour faire plaisir à un détenteur de l’autorité, car une malédiction a frappé les Israélites lorsqu’ils se sont abstenus pour ces raisons, de commander ce qui est convenable et de défendre ce qui est blâmable.

18.  (4) Lorsque le musulman est incapable de désapprouver avec la langue, il doit désapprouver avec son cœur, réprouver l’acte de désobéissance commis, s’en désavouer et se promettre que si on a la capacité de le changer avec la main ou avec la langue on le fera.

19.  (5) Une des manières de désapprouver avec le cœur, est de se désavouer de l’associationnisme et de ses adeptes. Le musulman doit donc détester les polythéistes et les mécréants et ne pas leur vouer de l’affection ou s’allier à eux parce qu’ils détestent Allah et qu’Allah les déteste.

20.  (5) Teste ton cœur et ta foi. Si, après avoir vu quelque chose de blâmable, tu le changes avec ta main ou bien tu le désapprouves avec ta main ou avec ta langue, alors ta foi est à la hauteur de la manière dont tu changes cette chose blâmable. Si en revanche tu ne t’en soucies pas et n’y accordes pas d’intérêt, alors tu es loin du cercle des croyants.

21.  (5) Désapprouver avec le cœur tout en étant capable de changer avec la main ou de désapprouver avec la langue reflète une faiblesse dans la foi de l’individu. Veille donc à faire partie de ceux dont la foi est complète.

22.  (5) Assister aux assemblées où on parle de futilités, où on calomnie les gens et on médit d’eux et où on commet des choses illicites, est la preuve que le cœur ne désapprouve pas tous ces agissements, car si ton cœur les désapprouvait, tu détesterais ces assemblées et tu les quitterais.

Références

  1. Voir Kachf Al-Mouchkil Mine Hadith As-Sahihayne d’Ibn Al-Jawzi (2/173).
  2. Moslim (50).
  3. Voir le commentaire de Al-Arba’oune An-Nawawiyya d’Ibn Daqiq Al-’Id (p.112).
  4. Ahmad (1), Ibn Maja (4005), Abou Dawoud (4338) et At-Tirmidhi (3057).

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