1- Le Prophète ﷺ prit Ibn ‘Omar – qu’Allah a agréé – par le haut du bras – qui est la partie située entre l’épaule et l’avant-bras – en lui recommandant de renoncer à ce bas monde et d’être tel celui qui vit dans un pays autre que le sien et parmi des gens qui lui sont étrangers, sans se soucier de la compagnie de quiconque, ni construire d’habitation permanente, ni bâtir de palais, ni éprouver de la haine ou de la rancune à l’égard de quiconque. Sa seule préoccupation doit être d’amasser des provisions pour retourner dans son pays. Le musulman doit donc être ainsi dans ce bas monde, car ce bas monde est la demeure provisoire de son exil et il ne doit s’y préoccuper que d’amasser des provisions pour l’au- delà où se trouve sa patrie première à savoir le Paradis.
2- De la même manière que l’étranger qui vit quelque temps en exil et y demeure, tisse des liens avec les habitants du pays, le Prophète ﷺ passa à un niveau plus élevé de renoncement à ce bas monde qui est celui du voyageur qui ne fait que passer. En effet, le voyageur de passage n’arrête de se déplacer que pour s’approvisionner et se reposer. Il ne s’habitue à aucun bien aimé, ne penche pour aucun ami, ni n’espère se fixer où que ce soit. Il en est de même pour le musulman : ce bas monde et ce qu’il contient ne doivent pas le détourner de son voyage qui le mène à son pays.
3- Ibn ‘Omar – qu’Allah a agréé – exhortait les gens et les mettait en garde contre le fait de placer trop d’espoir dans la vie et ne pas se préparer à la mort. Il convient donc que l’être humain garde la mort à l’esprit et qu’il considère qu’il ne lui reste que quelques heures à vivre. Ainsi, lorsqu’il vit jusqu’au soir, il doit œuvrer pour l’au-delà comme s’il allait mourir avant l’aube. De même, lorsqu’il vit jusqu’au matin, il doit faire comme s’il allait mourir avant la nuit. Celui qui se prépare de la sorte œuvre pour son au-delà et délaisse les plaisirs et les ornements de ce bas monde, conformément aux paroles d’Ahmad Ibn Hanbal qui répondit lorsqu’on lui demanda : « Qu’est-ce que renoncer à ce bas monde ? » : « Le peu d’espoir dans la vie, c’est-à-dire le fait pour quelqu’un qui a vécu jusqu’au matin de dire : Je ne vivrai peut-être pas jusqu'à ce soir »[1].
Par ailleurs, avoir trop d’espoir dans la vie est ce qui fait naître la malfaisance. En effet, lorsque Iblis conseilla Adam et Hawwa de manger des fruits de l’arbre, il les tenta par la royauté et la vie éternelle.
﴾Puis le Diable le tenta en disant : « Ô, Adam, t’indiquerai-je l’arbre de l’éternité et un royaume impérissable ? »﴿.
L’être humain ne doit ainsi pas être injuste envers son prochain ni violer son droit pour obtenir des bienfaits de ce bas monde.
4- Ibn ‘Omar accordait également de l’importance au fait qu’ils profitent du temps où ils sont en bonne santé avant que la maladie et les occupations ne les empêchent, car la santé est le plus grand bienfait et l’être humain néglige trop souvent d’en tirer profit.
C’est pourquoi le Prophète ﷺ a dit :
« Il y a deux bienfaits que beaucoup de gens n’apprécient pas à leur juste valeur : la santé et le temps libre »[2].
5- Ibn ‘Omar accordait aussi de l’importance au fait que les gens œuvrent pour leur au-delà avant que la mort ne les surprenne. Ils n’auront alors plus la possibilité d’œuvrer et ils le regretteront amèrement. Le serviteur criera alors :
﴾...Puis, lorsque la mort vient à l’un d’eux, il dit : « Mon Seigneur ! Fais- moi revenir (sur terre), afin que je fasse du bien dans ce que je délaissais ». Non, c’est simplement une parole qu’il dit. Derrière eux, cependant, il y a une barrière, jusqu’au jour où ils seront ressuscités﴿
[Sourate Al-Mou’minoune : 99-100]
La recommandation d’Ibn ‘Omar – qu’Allah agréé – est inspirée des paroles du Prophète ﷺ qui la précèdent et est déduite de ses paroles à un homme qu’il exhortait : « Profite de cinq choses avant cinq autres : ta jeunesse avant ta vieillesse, ta santé avant ta maladie, ta richesse avant ta pauvreté, ton temps libre avant d’être occupé et ta vie avant ta mort »[3].
1. (1) Ce hadith met en évidence la préoccupation du Prophète ﷺ à éduquer les enfants, à leur enseigner les jugements de la religion et à les inciter à renoncer à ce bas monde. Que les prédicateurs et les éducateurs ne négligent pas cela.
2. (1) Il convient aux prédicateurs d’éduquer les jeunes générations à préférer l’au-delà et les œuvres pour l’au-delà et à ne pas accorder d’importance aux ornements et aux jouissances de ce bas monde.
3. (1) Le Prophète ﷺ prit Ibn ‘Omar par le haut du bras afin d’attirer son attention et de mettre ses sens en alerte. Les savants et les prédicateurs doivent donc utiliser ce genre de moyens afin d’attirer l’attention des cœurs et des ouïes.
4. (1) ‘Ata As-Soulaymi invoquait Allah en disant : « Ô Allah, sois miséricordieux pour mon exil dans ce bas monde, pour ma solitude dans ma tombe et ma comparution face à Toi demain »[4].
5. (1) (2) Le Prophète ﷺ énonça une parabole pour décrire la situation du musulman en le comparant à un étranger et à un voyageur de passage. L’énonciation de paraboles, le recours à d’autres figures de style et l’utilisation de comparaisons, participe à rendre les concepts accessibles et compréhensibles pour les esprits. Il ne convient donc pas à celui qui enseigne et oriente de s’abstenir d’y recourir.
6. (1) (2) Ce hadith souligne qu’Allah décréta que ce bas monde disparaîtra et aura une fin. Le croyant n’y vit donc qu’afin de faire ses provisions pour la demeure éternelle dans l’au-delà. Celui qui s’abandonne totalement à ce bas monde et s’y attache, perd l’au-delà.
7. (1) (2) ‘Ali Ibn Abi Talib – qu’Allah a agréé – disait : « Le bas monde se déplace et part et l’au- delà se déplace et vient, et chacun a des enfants. Soyez donc les enfants de l’au-delà et ne soyez pas les enfants de ce bas monde, car aujourd’hui est l’accomplissement sans reddition des comptes et demain sera la reddition des comptes sans l’accomplissement »[5].
8. Ce hadith ne signifie pas qu’il faut arrêter de rechercher sa subsistance et que les plaisirs de ce bas monde sont illicites, car les agissements du Prophète ﷺ et de ses nobles Compagnons vont à l’encontre de cela.
9. (3) Avance en permanence et ne t’arrête pas, même pour une heure, car si tu n’avances pas comme il le faut, tu n’atteindras pas ton but et tu te perdras en chemin[6].
10. (3) Les prédécesseurs étaient ceux qui se préparaient le plus pour l’au-delà. On demanda à Mohammed Ibn Wassi’ – qu’Allah lui fasse miséricorde – : « Comment vas-tu ce matin ? ». Il répondit : « Que penses-tu d’un homme qui franchit chaque jour une étape et se rapproche de l’au- delà ? »[7]. Par ailleurs, Al-Hassane Al-Basri – qu’Allah lui fasse miséricorde – a dit : « Tu n’es qu’un nombre de jours et chaque fois qu’un jour passe, c’est une partie de toi qui s’en va »[8].
11. (4) Il convient que le musulman s’empresse de faire ce qu’il peut comme bien et de tirer profit de sa santé, de son temps libre et de sa vie avant que les incidents, les maladies et diverses préoccupations ne l’empêchent d’œuvrer plus tard.
12. Al-Awza’i – qu’Allah lui fasse miséricorde – écrivit à un de ses frères : « Ceci étant dit, tu es entouré de toutes parts et sache qu’on te fait déplacer chaque jour et chaque nuit. Crains donc Allah et ta dernière étape qui sera ta comparution devant Lui. Que la paix soit sur toi »[9].
13. Al-Foudayl Ibn ‘Iyad – qu’Allah lui fasse miséricorde – demanda à un homme : « Combien d’années as-tu vécu ? ». Il répondit : « Soixante ans ». Il lui dit alors : « Voilà donc soixante ans que tu chemines vers ton Seigneur et tu es aujourd’hui sur le point d’arriver ». L’homme dit : « Nous sommes à Allah et c’est auprès de Lui que nous retournerons ». Al-Foudayl lui dit ensuite : « Sais-tu ce que cela signifie ? Tu dis : je suis un serviteur d’Allah et c’est auprès de Lui que je retournerai. Que celui qui est persuadé d’être un serviteur d’Allah et qu’Il retournera auprès de Lui sache qu’il comparaîtra, et que celui qui sait qu’il comparaîtra sache qu’il sera interrogé, et que celui qui sait
qu’il sera interrogé prépare des réponses aux questions ». L’homme demanda : « Quelle est donc
l’issue ? ». « Elle est facile », répondit Al-Foudayl. « Quelle est-elle ? », insista l’homme. Il répondit :
« Tu œuvres avec excellence dans ce qui reste de ta vie et ce qui a précédé te sera pardonné, car si tu agis mal dans ce qui reste de ta vie tu seras puni pour ce qui a précédé et pour ce que tu commettras plus tard »[10].
14. Le narrateur du hadith, Ibn ‘Omar – qu’Allah a agréé -, était de ceux qui le mettaient en pratique. Tawouss a dit : « Je n’ai pas vu d’homme plus dévot qu’Ibn ‘Omar »[11]. On rapporte aussi de Nafi’ qu’Ibn ‘Omar désira manger du raisin alors qu’il était malade. Il raconte : « Je lui achetai une grappe pour un dirham, je la lui apportai et je la lui mis dans la main. Un mendiant vint alors à la porte et Ibn ‘Omar dit : « Donne-la-lui ». Je lui dis : « Manges-en un peu, gouttes-en ». Il répondit : « Non, donne- la-lui ». Je la lui donnai donc puis je la lui rachetai pour un dirham et je la mis dans la main d’Ibn ‘Omar, mais le mendiant revint et Ibn ‘Omar dit : « Donne-la-lui ». Je lui dis : « Manges-en un peu, gouttes-en ». Il répondit : « Non, donne-la-lui ». Je la lui donnai donc et je lui dis : « Malheur à toi, tu n’as pas honte ? » Je la lui rachetai de nouveau pour un dirham et je la mis dans la main d’Ibn ‘Omar qui la mangea[12].
15. Ibn ‘Omar était de ceux qui accomplissaient le plus de bonnes œuvres en prévision de sa comparution devant Allah, puisque c’est à la troisième ou à la quatrième fois – le doute est de Tawouss – qu’il mangea la grappe de raisin.
16. Un poète a dit :
Chaque instant qui passe nous rapproche de nos termes et nos jours passent comme autant d’étapes. Je n’ai pas vu plus vrai que la mort qui, lorsqu’elle est faussée par les espoirs, paraît fausse.
Qu’il est hideux de ne pas tirer profit de sa jeunesse et qu’il est encore plus hideux de ne pas tirer profit de son temps lorsque les cheveux blancs recouvrent la tête.
Quitte ce bas monde en ayant fait provision de piété, car ta vie n’est qu’un nombre de jours comptés.
Références
- Voir Jami’ Al-’Ouloum wa Al-Hikam d’Ibn Rajab (2/386).
- Al-Boukhari (6412).
- Ibn Abi ad-Dounya dans Qissar Al-Amal (111) et Al-Hakim dans Al-Moustadrak (7846).
- Voir Jami’ Al-’Ouloum wa Al-Hikam d’Ibn Rajab (2/378,379).
- Al-Boukhari (8/89).
- Voir Al-Kachif ‘Ane Haqa’iq As-Sounane d’At-Tîbî (4/1364).
- Voir Jami’ Al-’Ouloum wa Al-Hikam d’Ibn Rajab (2/382).
- Voir Jami’ Al-’Ouloum wa Al-Hikam d’Ibn Rajab (2/382).
- Voir Jami’ Al-’Ouloum wa Al-Hikam d’Ibn Rajab (2/382-384).
- Voir Jami’ Al-’Ouloum wa Al-Hikam d’Ibn Rajab (2/383).
- Ahmad dans Az-Zuhd (240)
- Ahmad dans Az-Zuhd (237)