19 - L’amour du Messager ﷺ et ce que cela implique

عَن أَنَسِ بْن مَالِكٍ رضى الله عنه، قَالَ: بَيْنَمَا أَنَا وَالنَّبِيُّ ﷺ خَارِجَانِ مِنَ المَسْجِدِ، فَلَقِيَنَا رَجُلٌ عِنْدَ سُدَّةِ المَسْجِدِ، فَقَالَ: يَا رَسُولَ اللَّهِ، مَتَى السَّاعَةُ؟ قَالَ النَّبِيُّ ﷺ: «مَا أَعْدَدْتَ لَهَا؟»، فَكَأَنَّ الرَّجُلَ اسْتَكَانَ، ثُمَّ قَالَ: يَا رَسُولَ اللَّهِ، مَا أَعْدَدْتُ لَهَا كَبِيرَ صِيَامٍ، وَلا صَلاةٍ، وَلا صَدَقَةٍ،وَلَكِنِّي أُحِبُّ اللَّهَ وَرَسُولَهُ، قَالَ: «أَنْتَ مَعَ مَنْ أَحْبَبْتَ». 

On rapporte qu A’nas ibn Mâlik, dont Allah est satisfait, a dit :

Alors que je sortais avec le Prophète lui demanda : « Qu’ as-tu préparé en prévision de sa survenue ? ».L’homme eut l’air d’être gêné,puis il répondit : « Ô Messager d’Allah, je n’ai pas préparé en sa prévision beaucoup de jeûnes, de prières ou d’aumônes,mais j’aime Allah et Son Messager ».

Le Prophète« Tu seras avec ceux que tu as aimés »


Anas ibn Mâlik, dont Allah est satisfait, nous informe qu’alors qu’il sortait de la mosquée avec le Prophète  un homme les rencontra à la sortie de la mosquée sous les toitures qui entourent la mosquée et interrogea le Prophète au sujet de la survenue de l’ Heure.On dit que cet homme est le Bédouin qui auparavant urina dans la mosquée, à savoir Dhou al- Khouwaysira Al-Yamânî[1].

  1. Le Prophète ﷺ le détourna alors de cette question vers une question plus importante qui est : Qu’as-tu préparé en prévision de la survenue de l’Heure ? As-tu préparé pour cela beaucoup d’adorations et d’actes d’obéissance ?Le Prophète ﷺ voulait attirer l’attention de l’homme vers ce qui est obligatoire pour lui et requis de lui, qui est de se préparer à rendre des comptes et à œuvrer pour entrer au Paradis, puisqu’il ne lui est pas demandé de connaître quand aura lieu le Jour de la Résurrection et d’ailleurs, seul Allah sait cela.
  2.  Lorsque l’homme entendit la question du Prophète, il fut embarrassé, car ses œuvres étaient modestes. Il reconnut ainsi ses manquements et s’excusa du fait que sa question ait été déplacée

4.   Ensuite il affirma qu’il ne s’y préparait pas en accomplissant des œuvres immenses. Ainsi, il n’avait pas effectué beaucoup d’adorations surérogatoires ni d’actes d’obéissance qui le rapprochent du Paradis et le sauvent de l’Enfer, mais il se contentait des obligations dont le musulman doit s’acquitter. Il se peut également qu’il ait dit ces paroles par modestie, afin de sous-estimer son mérite, ou bien parce qu’il croyait que ce qu’il avait accompli comme œuvres n’était pas énorme, ou parce qu’il croyait que toutes les œuvres ne sont rien, comparées à la force qu’est l’amour sincère pour Allah et Son Messager[2].

5.   Au regard de cet homme, la plus éminente de ses œuvres, celle qui lui sera le plus bénéfique le Jour de la Résurrection est l’amour d’Allah et de Son Messager. Lorsque cet amour est sincère, il implique d’obéir à Allah et à Son Messager et d’autres choses encore.

6.C’est pourquoi le Prophète ﷺ l’informa que s’il est sincère dans son amour et qu’il remplit ses conditions, il rejoindra alors ceux qu’il aime et il accompagnera le Prophète ﷺ et ses Compagnons dans le plus haut degré du Paradis.

Allah dit en effet :

﴾Quiconque obéit à Allah et au Messager... ceux-là seront avec ceux qu’Allah a comblés de Ses bienfaits : les prophètes, les véridiques, les martyrs, et les vertueux. Et quels bons compagnons que ceux-là !)﴿

[Sourate An-Nissâ` : 69].

C’est aussi la raison pour laquelle, Anas, dont Allah est satisfait, a dit : « Et moi j’aime Allah, Son Messager ﷺ , Abou Bakr et ‘Omar. J’espère être avec eux [dans l’au-delà] en raison de mon amour pour eux, même si je n’accomplis pas les mêmes œuvres qu’eux »[3].

Comment appliquer ce hadith :

  1. La famille d’Anas et Anas, dont Allah est satisfait, lui-même, n’avaient aucun problème avec le fait qu’il soit au service du Prophète ﷺ alors qu’il était libre et pas un esclave. En effet, servir était réservé aux esclaves, pas aux enfants de chefs. Sa mère l’emmena donc chez le Prophète ﷺ afin qu’il soit à son service. Le musulman peut tenir compte des coutumes et des ragots, mais ceux-ci ne doivent pas l’empêcher de remporter le bien dans les deux demeures.

  2. Anas, dont Allah est satisfait, veilla à être constamment en compagnie du Prophète ﷺ et à être à son service depuis son plus jeune âge, à un âge où certains hadiths racontent qu’il lui arrivait de jouer avec d’autres enfants[4]. Éduquer un enfant à des fins vertueuses n’implique donc pas nécessairement qu’on doive lui interdire des activités de son âge, comme jouer ou autre.

  3. L’homme interrogea le Prophète ﷺ   au sujet du moment de la survenue de l’Heure, mais le Prophèteﷺ ne répondit pas à cette question et le détourna vers une autre question liée à l’intérêt de celui qui a posé la question et les gens en général : il s’agit des œuvres que l’on accomplit pour préparer la survenue de l’Heure. Chez les spécialistes de l’éloquence, ce style est connu sous le nom de style du sage. Il consiste à ce que celui à qui est adressée la question donne une réponse plus étendue et plus importante que le contenu de la question, afin de souligner une sagesse à laquelle celui qui a posé la question n’a pas pensé. Cela est le cas par exemple de la réponse à celui qui lui a demandé s’il est permis de faire ses ablutions avec de l’eau de mer, la réponse du Prophète ﷺ fut : « Son eau est pure et purifiante et les animaux morts qu’on y trouve sont licites à la consommation »[5]. Le Prophète ﷺ répondit donc en disant que l’eau de mer est pure en général puis ajouta que les animaux morts que l’on trouve dans la mer sont licites à la consommation[6]. Le prédicateur et l’enseignant doivent donc anticiper les besoins des gens, être sages dans leurs paroles et leurs réponses et ne pas s’engouffrer dans les pièges de leurs questions. Ils doivent plutôt dire aux gens ce qui leur est bénéfique pour leur pratique religieuse et leur vie terrestre, sans aborder ce qui cause des troubles ou est inutile à connaître.

  4. Le Prophète ﷺ dévia la réflexion de celui qui a posé la question des questions qui ne le concernent pas ou qui n’ont pas de réponse, le faisant passer de « Quand l’Heure surviendra-t-elle » à « Qu’as- tu préparé en prévision de sa survenue ? ». C’est pourquoi l’imam Mâlik détestait parler de choses qui n’étaient pas suivies d’actions et il rapporta des savants qui l’ont précédé qu’ils pensaient de même[7]. En effet, la plupart des polémiques qui surgissent parmi les gens ou parmi les partenairesd’un projet n’aboutissent à aucune action. Essaie donc de te poser cette question utile : « Puis quoi ensuite ? ».

  5. Le musulman doit avoir constamment à l’esprit la question : « Qu’ai-je préparé en prévision de sa survenue ? » et en faire un mode de vie, en se demandant des comptes à soi-même chaque jour pour savoir dans quel état on ira à la rencontre d’Allah ? Sera-t-Il satisfait de nous ou bien en colère contre nous ?

  6. L’amour d’Allah et de Son Messager ﷺ ne sont pas de simples paroles et un penchant de l’âme, c’est plutôt un sentiment qui emplit le cœur et qui est suivi du désir de satisfaire l’être aimé et de lui obéir en proportion de ce sentiment, au point d’accorder la priorité à cela au détriment de la famille, des richesses, de la progéniture et de tous les gens. Ainsi, que celui qui prétend aimer quelqu’un recherche la preuve de son amour en lui-même. Al-Hassane Al-Basrî a dit : « Des gens prétendirent aimer Allah – exalté soit-Il –, Il les éprouva alors avec ce verset :

    ﴾Dis : Si vous aimez vraiment Allah, suivez-moi, Allah vous aimera alors[8] et vous pardonnera vos péchés. Allah est Pardonneur et Miséricordieux﴿

    [Sourate Âl-‘Imrâne : 31].

  7. Quelle que soit l’emprise des actes de désobéissance sur ton cœur et sur ton temps, prends garde à porter atteinte à ta vénération d’Allah et à ton amour pour Lui et pour Son Messager ﷺ . Nous tous n’atteindrons jamais le rang des prophètes d’Allah – qu’Allah les couvre d’éloges et les protège – au Paradis, en raison de leur immense mérite, de leurs nombreuses œuvres, de la sincérité de leur foi et leur suivi [de ce qui leur a été révélé], malgré les épreuves qu’ils subissaient[9]. Néanmoins, nous pouvons être avec eux dans l’au-delà grâce à notre bel amour pour eux, à notre respect pour eux, à notre suivi de leur Sounna, au fait de les aimer plus que toute autre personne. Aussi quelle belle nouvelle pour celui qui s’évertue [dans cette voie] ! C’est d’ailleurs à ce titre qu’Anas, dont Allah est satisfait, dit : Je n’ai pas voulu les musulmans se réjouir d’une chose après la venue de l’Islam comme ils se sont réjouis de la venue de l’Islam.

  8.  Essaie d’accroître ton amour pour Allah et Son Messager ﷺ en recherchant à atteindre les causes et les manières d’exprimer cet amour, comme évoquer abondamment Allah, invoquer Ses éloges sur le Prophète ﷺ , rappeler constamment à son cœur le mérite de les aimer, se remémorer leurs bienfaits et être déterminé à leur obéir en priorité. De plus, chaque fois que tu vois un amoureux rechercher àsatisfaire son ou sa bienaimée, fais en sorte que ton amour pour Allah et Son Messager ﷺ soit supérieur :

    ﴾Parmi les hommes, il en est qui prennent, en dehors d’Allah, des égaux à Lui, en les aimant comme on aime Allah. Or les croyants sont les plus ardents en l’amour d’Allah﴿

    [Sourate Al-Baqara : 165].

Références

  1. Voir Fath al-Bârî Sahih Al-Boukhârî d’Ibn Hajar (10/555).
  2. Voir Al-Moufhim d’Al-Qourtoubî (6/646).
  3. Al-Boukhârî (3688) Moslim (2639).
  4. Moslim (2604).
  5. At-Tirmidhî (69).
  6. Voir Al-Kawâkib ad-Darârî d’Al-Karmânî (22/35).
  7. Voir Jâmi’ Bayân al-‘Ilm wa Fadlih (2/95).
  8. Exégèse du Coran par Ibn Kathîr (2/32) où c’est la partie du verset s’arrêtant ici qui est mentionnée ici.
  9. Ahmad (12032).

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